Comment déterminer la destinée d’une cellule souche ?

La mort est une partie normale du cycle de vie des cellules. Quand la mort est programmée, elle a même un nom: l’apoptose. Au fil des ans, les chercheurs ont appris comment le processus se produit et son importance dans la santé globale.

L’une des premières étapes de l’apoptose implique les mitochondries, qui sont des structures à l’intérieur des cellules qui sont responsables de la production d’énergie. Mais quand vient l’heure de la fin, cette structure commence à se décomposer en fragments. Cette décomposition incite la cellule à fabriquer des protéines responsables de sa déconstruction. Un autre type de molécules, appelées espèces réactives de l’oxygène (ERO), sont également formées. Ces molécules recherchent les protéines et les endommagent avec une redoutable efficacité.

La fragmentation des mitochondries est un signe révélateur du destin d’une cellule. Pourtant, la mort n’est pas la seule issue. Pour un groupe particulier de cellules appelées cellules souches neuronales, il peut y avoir une autre option: changer de destin. Cette révélation vient d’une étude récente d’une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa dirigée par Ruth Slack et sa stagiaire postdoctorale, Mireille Khacho. Elles ont récemment publié leurs observations dans la revue Cell Stem Cell.

Les cellules souches sont à la base de la vie, puisqu’elles sont la première génération de tous les types de cellules du corps. Elles se multiplient dans un processus connu sous le nom de prolifération. Mais, quand elles reçoivent les signaux appropriés, elles changent d’identité, se transforment – se différencient – en différents types de cellules tels que les cellules des os, de la peau, des muscles, en cellules immunitaires, et, dans le cas des cellules souches neuronales, en cellule constituant les nerfs. Cette transformation permet de produire toutes les cellules dont nous avons besoin pour rester en vie.

Normalement, la population de cellules souches qui prolifèrent reste stable, mais quand nous vieillissons, leur nombre diminue. Au fur à mesure que ceci arrive, la capacité du corps à se renouveler diminue et l’impact des dommages sur les cellules vivantes ont tendance à s’additionner. Le groupe de Slack a donc visé à comprendre le mécanisme sous-jacent cette perte.

Le groupe a mené ses expériences sur des souris. Dans un premier temps, l’équipe a choisi d’examiner les effets de la fragmentation mitochondriale et de la formation des ERO dans les embryons au cours du développement du cerveau. L’équipe voulait observer comment ces cellules réagiraient à ces signaux, habituellement associés à la mort.

Comme prévu, les cellules souches qui proliféraient avaient une structure mitochondriale intacte. Cependant, les cellules souches ayant des mitochondries fragmentées ne mouraient pas comme on pourrait pu s’y attendre. Au lieu de cela, elles se différenciaient. Pour s’assurer que cette observation soit représentative de la réalité, l’équipe a utilisé des souris génétiquement modifiées qui ne produisent que des formes fragmentées de mitochondrie. Les cellules souches de ces souris se sont aussi différenciées.

En cherchant ce qui avait pu contribuer à cette étrange résultat, l’équipe a trouvé que les ERO jouaient un rôle majeur. Contrairement à ce qui se produit lors de l’apoptose normale, les taux d’ERO n’ont augmenté que modérément, mais ceci était suffisant pour envoyer un signal indiquant un changement de destin cellulaire.

Pour avoir une meilleure compréhension de ce phénomène, le groupe a ensuite examiné l’expression des gènes. Ils ont trouvé que l’expression d’un gène particulier, encodant un facteur nucléaire nommé erythroid-derived 2, et abrévié Nrf2, avait augmenté. Le gène est connu comme un gène de réponse au stress oxydatif et est normalement exprimé pour diminuer les niveaux trop élévés d’ERO.  Plus les niveaux d’expression de Nrf2 augmentaient, plus la possibilité de différenciation augmentait.

Comme tous ces résultats avaient été obtenus chez des embryons, l’équipe a ensuite étudié des animaux ayant atteint la maturité. Ils ont donc déclenché le processus de fragmentation des mitochondries dans les cellules souches neurales d’animaux âgés de 6 semaines. En quelques semaines, les souris ont commencé à présenter des troubles d’apprentissage. La perte de cellules souches adultes a donc eu des conséquences au niveau comportemental.

Cette étude  décrit une perspective plutôt intéressante sur le vieillissement du cerveau. Au fur et à mesure que la fragmentation se produit, les cellules souches sont appelées à se différencier, diminuant ainsi le nombre de cellules souches restantes. En conséquence, il y a moins de possibilités de renouvellement en cas de dommages. Dans le contexte de la santé du cerveau, ceci pourrait se traduire par un risque plus élevé de maladies neurodégénératives.

L’étude ouvre également la porte à des nouvelles options thérapeutiques, comme par exemple une exploration des antioxydants pour réduire les niveaux d’ERO lors de la fragmentation des mitochondries. Ces composés pourraient aider à préserver la population de cellules souches tout au long de notre vie et ainsi conjurer la maladie.

Article de recherche original:

http://www.cell.com/cell-stem-cell/abstract/S1934-5909(16)30082-0