Des chercheurs de l’Université d’Ottawa trouvent une nouvelle « destinée » pour les cellules souches vieillissantes

La mort est une partie normale du cycle de vie des cellules. Elles naissent, grandissent, exercent leurs fonctions, puis, après un certain temps, font face à un destin prévisible. Au moment venu, la cellule subit un processus programmé, appelé apoptose http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK26873/ qui décompose la plupart de ses composantes internes et l’amène à sa fin.

L’une des premières étapes de l’apoptose implique la mitochondrie http://jem.rupress.org/content/182/2/367.full.pdf. Cet organite cellulaire est principalement responsable de la production d’énergie dans la cellulle http://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK9896/. Mais quand vient l’heure de la fin, http://genesdev.cshlp.org/content/15/22/2922.full cette structure commence à se décomposer en fragments. Cette décomposition incite le noyau à fabriquer des protéines responsables de la déconstruction d’autres structures cellulaires. En plus des protéines, un autre type de molécules, appelées espèces réactives de l’oxygène (ERO), sont également formées. Ces molécules recherchent les protéines et les endommagent avec une redoutable efficacité.

La fragmentation des mitochondries est un signe révélateur du destin d’une cellule. Pourtant, la mort n’est pas la seule issue.  Pour un groupe particulier de cellules appelées cellules souches neurales, il peut y avoir une autre option: changer de type de vie.

Cette révélation vient d’une étude récente http://www.cell.com/cell-stem-cell/abstract/S1934-5909(16)30082-0 d’une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa dirigée par Ruth Slack et sa stagiaire postdoctorale, Mireille Khacho. Elles ont récemment publié une observation fascinante de la vie des cellules et des signaux de mort dans la revue Cell Stem Cell. Leur travail amène une nouvelle compréhension de la vie des cellules souches, et comment elles peuvent, au lieu de mourir, se différencier.

Les cellules souches sont à la base de la vie, puisqu’elles sont la première génération de tous les types de cellules du corps. Elles se multiplient dans un processus connu sous le nom de prolifération. Mais, quand elles reçoivent les signaux appropriés, elles changent d’identité, se transforment – se différencient – en différents types de cellules http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0092867408001396 tels que les cellules osseuses, de la peau, des muscles, en cellules immunitaires, et, dans le cas des cellules souches neuronales, en cellule constituant les nerfs. Cette transformation permet l’auto-renouvellement afin que nous ayons toujours les cellules dont nous avons besoin pour rester en vie.

Normalement, la population de cellules souches qui prolifèrent reste stable, mais quand nous vieillissons, leur nombre diminue http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1934590913000039. Au fur à mesure que ceci arrive, la capacité du corps à se renouveler diminue et l’impact des dommages sur les cellules vivantes ont tendance à s’additionner. En raison de l’implication des mitochondries et des ERO dans la mort cellulaire, elles ont été considérées comme l’un des principaux agents susceptibles d’être responsable de cette réduction du nombre de cellules souches. http://www.nature.com/cdd/journal/v9/n12/full/4401127a.html.

La recherche sur la contribution des mitochondries et des ERO sur le vieillissement cellulaire est en cours depuis plus d’une décennie https://www.researchgate.net/profile/Tim_Hofer/publication/7723496_Mitochondrial_DNA_mutations_oxidative_stress_and_apoptosis_in_mammalian_aging._Science/links/00b495214ccf703ad9000000.pdf et plusieurs mécanismes contribuant ont été identifiés. Mais on ne comprenait toujours pas comment l’épuisement se produisait. Le groupe de Slack a donc visé à comprendre ce mécanisme.

Le groupe a mené des expériences sur des souris. Dans un premier temps, l’équipe a choisi d’examiner les effets de la fragmentation mitochondriale et de la formation des ERO dans les embryons au cours du développement du cerveau. L’équipe voulait observer comment ces cellules réagiraient à ces signaux, habituellement associés à la mort.

Comme prévu, les cellules souches qui proliféraient avaient une structure mitochondriale allongée, indiquant qu’elles étaient vivantes et en santé. Cependant, les cellules souches ayant des mitochondries fragmentées http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1038/sj.emboj.7601972/full ne mouraient pas comme on pourrait pu s’y attendre. Au lieu de cela, elles se différenciaient.  Pour s’assurer que cette observation était représentative de la réalité, l’équipe a utilisé des souris génétiquement modifiées qui ne produisent que des formes fragmentées de l’organite. Tout comme chez les souris normales, les cellules souches de ces souris ont agi de la même manière en se différenciant.

En cherchant ce qui avait pu contribuer à cette étrange résultat, l’équipe a trouvé les ERO jouaient un rôle majeur. Contrairement à ce qui se produit lors de l’apoptose normale, les taux d’ERO n’ont augmenté que modérément, mais ceci était suffisant pour envoyer un signal vers le noyau, indiquant un changement de destin cellulaire. Dans ce contexte, au lieu de produire des protéines associées à la mort, les gènes produisent des facteurs associés à la différenciation. Pour une raison quelconque, la programmation des cellules souches neuronales est différente au niveau génétique.

Pour avoir une meilleure compréhension de ce phénomène, le groupe a examiné les gènes de la cellule afin de déterminer lesquels étaient exprimés et conduisaient à ce changement du destin des cellules souches. Ils ont trouvé que l’expression d’un gène particulier, encodant un facteur nucléaire nommé erythroid-derived 2, et abbrévié Nrf2, avait augmenté. Le gène est connu comme un gène de réponse au stress oxydatif http://www.jbc.org/content/284/20/13291.full.html et est normalement exprimé pour diminuer les niveaux trop élévés d’ERO.  Plus les niveaux d’expression de Nrf2 augmentaient, plus la possibilité de différenciation augmentait aussi, ainsi que la déplétion des cellules souches.

Bien qu’une compréhension importante du mécanisme avait été atteinte, ces résultats étaient limités aux embryons.  L’équipe a donc ensuite étudié des animaux ayant atteint la maturité. Ils ont donc déclenché le processus de fragmentation des mitochondries dans les cellules souches neurales d’animaux âgés de 6 semaines.  En quelques semaines, les souris ont commencé à montrer des troubles  d’apprentissage. La perte de cellules souches adultes a donc eu des conséquences au niveau comportemental.

Les résultats de cette étude ont plusieurs implications en matière de santé humaine. Bien que les expériences aient été menées chez des souris, elles décrivent une perspective plutôt intéressante sur le vieillissement et le cerveau. Au fur et à mesure que la fragmentation se produit, les cellules souches sont appelées à se différencier, diminuant ainsi le nombre de cellules souches restantes.  En conséquence, il y a moins de possibilités d’auto-renouvellement en cas de dommages. Dans le contexte de la santé du cerveau, ceci pourrait se traduire par un risque plus élevé de maladies neurodégénératives.

L’étude ouvre également la porte à des nouvelles options thérapeutiques, comme par exemple une exploration des antioxydants pour réduire les niveaux d’ERO lors de la fragmentation des mitochondries. Il existe déjà des évidences cliniques qui suggèrent que des antioxydants comme la vitamine E peuvent aider à diminuer le risque de maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives. http://bit.ly/291rfVV À la lumière de cette étude, il y a encore plus de raisons d’étudier si ces composés pourraient être utilisés pour préserver la population de cellules souches tout au long de notre vie et ainsi conjurer la maladie.

Un texte de Jason Tetro, pour CAN-ACN