Des chercheurs de l’Institut de recherche sur le cerveau et le psychisme de l’Université d’Ottawa ont découvert un ensemble de règles régissant la façon dont les circuits cérébraux se développent au cours des premières années de la vie, offrant ainsi une nouvelle perspective sur les troubles neurologiques du développement comme l’autisme et la schizophrénie.
Publiée dans Neuron, l’une des revues spécialisées exerçant le plus d’influence dans le domaine de la neuroscience, leur étude montre la façon dont la plasticité cérébrale guide le développement du cerveau à l’échelle microscopique, ce qui explique finalement la manière dont le cerveau adulte fonctionne.
Kevin Lee, récent diplômé au doctorat de la Faculté de médecine et auteur principal du projet, a fait cette découverte pendant ses recherches de thèse. Il a remarqué des différences frappantes entre les signaux calciques des synapses, qui consistent en des connexions spécialisées dans le cerveau, de jeunes neurones en développement comparativement à ceux de neurones adultes.
« Jusqu’à tout récemment, les neuroscientifiques pensaient que le cerveau s’interconnectait pendant le développement des circuits cérébraux de façon plus ou moins aléatoire à l’échelle microscopique », a déclaré Jean-Claude Béïque, professeur agrégé au Département de médecine cellulaire et moléculaire de la Faculté de médecine et chercheur principal supervisant ces travaux de recherche. « Nos résultats révèlent que, pendant le développement du cerveau, les synapses extrêmement proches se servent du calcium pour communiquer entre elles et que cela influence en fin de compte la façon dont les circuits cérébraux s’interconnectent. Par conséquent, cet assemblage microscopique n’est pas aléatoire, et nous avons mis le doigt sur certaines des principales règles qui le régissent. »
Chaque neurone dans le cerveau peut être porteur de dizaines de milliers de connexions synaptiques. L’équipe de recherche de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa a utilisé des techniques de pointe pour activer et observer, une à la fois, les synapses de neurones donnés.
« Plutôt que d’examiner l’ensemble du cerveau, nous avons étudié la façon dont les circuits se sont développés à l’échelle de neurones et de connexions synaptiques particuliers. Nous avons relevé l’une des méthodes utilisées par les neurones pour organiser fonctionnellement leurs nombreuses connexions synaptiques », a précisé Kevin Lee. Les chercheurs soupçonnent depuis longtemps que les perturbations dans la façon dont les neurones structurent leurs connexions synaptiques pendant le développement du cerveau sont intimement liées aux troubles neurologiques du développement. « Grâce à ces nouvelles connaissances, ajoute-t-il, nous commençons maintenant à nous pencher sur les répercussions que cette découverte pourrait avoir sur l’autisme. »
Selon le professeur Béïque, l’intention initiale n’était pas d’effectuer des recherches sur une maladie particulière, mais plutôt d’étudier les principes fondamentaux de la neurobiologie. En fait, il soutient qu’ils n’auraient probablement pas fait cette découverte si leurs travaux de recherche avaient porté sur l’autisme en tant que tel. « C’est comme essayer de réparer une voiture qui ne démarre pas lorsque vous tournez la clé, mais en possédant peu de connaissances sur le moteur qui se trouve sous le capot. Pour comprendre son fonctionnement, vous devez démanteler la voiture, étudier la façon dont elle est construite et passer beaucoup d’heures à bricoler! C’est seulement après cela que vous aurez une chance de la réparer. Sinon, vous passerez peut-être toute votre vie à penser que la clé était à l’origine du problème. »
« Finalement, c’est la curiosité qui nous a amenés à découvrir quelque chose d’important selon nous », a affirmé Jean-Claude Béïque. « Nous n’aurions jamais pu prévoir cette découverte, que nous avons faite complètement par hasard. Au début, nous trouvions même ces résultats un peu bizarres. Nous avons pris la liberté de donner suite aux résultats obtenus sans être certains où ils allaient nous mener, ni même s’ils étaient d’une quelconque importance. Avec le temps, on constate encore et toujours que la liberté universitaire est fondamentale pour réaliser des percées scientifiques. C’est la beauté de la chose! La recherche axée sur la curiosité doit être encouragée dans les universités. »
Source du texte: Université d’Ottawa
Article de recherche original:
Lee KF, Soares C, Thivierge JP, Béïque JC. Correlated Synaptic Inputs Drive Dendritic Calcium Amplification and Cooperative Plasticity during Clustered Synapse Development. Neuron. 2016 Feb 17;89(4):784-99. doi: 10.1016/j.neuron.2016.01.012.