Qu’est-ce qui détermine la destinée d’une cellule souche? Les recherches menées au cours des quatre dernières décennies ont révélé qu’il n’y a pas de réponse facile à cette question. Par exemple, dans le cerveau, les cellules souches de l’embryon produisent tous les différents types de cellules à des moments définis et en quantités précises. Si les cellules souches sont perturbées et ne sont plus en mesure de produire ces types cellulaires, des troubles neuropsychiatriques et du développement peuvent se développer.
Les cellules souches reçoivent des signaux provenant d’autres types de cellules, des vaisseaux sanguins et du liquide céphalorachidien et elles produisent même des signaux elles-mêmes. Ceci soulève en soi de nombreuses questions. Quels sont ces signaux? Combien y en a-t-il? Comment une cellule souche décide-t-elle de répondre à un signal et non à un autre? Et comment cela peut-il se produire de manière coordonnée pour assurer la bonne communication dans le cerveau?
Pour construire un réseau de communication, une équipe de chercheurs à l’hôpital SickKids dirigée par les Drs Freda Miller et David Kaplan ont identifié des signaux produits par des cellules souches et des neurones dans l’embryon de souris. Ils ont utilisé l’analyse d’expression génique – également connue sous le nom de transcriptomique – ainsi que l’équivalent protéique, la protéomique, pour identifier les récepteurs de surface cellulaire. Puis, en utilisant la bioinformatique, ils ont combiné ces données pour construire un réseau et prédire quels signaux sont nécessaires pour que les cellules souches produisent des neurones. Leurs résultats, publiés dans la revue Neuron, révèlent une diversité inattendue de signaux.
Les auteurs ont découvert que les cellules souches sont exposées à des centaines de signaux (également appelés ligands) dans le cerveau en développement. Ils ont trouvé, cependant, que les cellules souches n’avaient des récepteurs que pour environ 32 de ces ligands. Après l’identification de ces 32 protéines, ils ont généré un réseau de communication qui leur a permis de prédire les ligands qui avaient le potentiel de convaincre les cellules souches de devenir des neurones. Avec cette information en main, l’équipe est retournée au laboratoire afin de tester combien de combinaisons ligand-récepteur pourraient être considérées, en un mot, proneurogéne. Ils n’ont pas eu à les tester toutes, puisque plusieurs avaient déjà été étudiées dans d’autres laboratoires et d’autres n’étaient pas fonctionnelles au cours de la phase d’embryogenèse étudiée. Ceci a réduit le nombre de combinaisons à seulement huit possibilités.
Les prochaines étapes étaient relativement simples. Des cultures de cellules précurseurs neurales ont été exposées aux différents facteurs et ont ensuite été examinées pour tout changement dans la capacité des cellules souches à générer des neurones. Trois nouveaux facteurs neurogène ont ainsi été identifié : la neurturine, le facteur neurotrophique dérivé de la glie, aussi appelé GDNF, et l’interféron gamma, un modulateur des réponses immunitaires.
Après avoir réduit le nombre à seulement trois, il était temps de revenir au modèle de souris. Cette fois, l’équipe a testé si l’injection des trois ligands dans le cerveau embryonnaire pourrait favoriser la formation de neurones à partir de cellules souches. Mais ils voulaient aussi savoir s’ils pouvaient bloquer la fonction de ces ligands en utilisant des anticorps. Comme prévu, lorsque les ligands ont été introduits dans des cerveaux de souris embryonnaires entre le jour 13 et 14 – un temps critique dans le développement du cerveau – plus de neurones ont été produites, et les anticorps ont inhibé la génération de neurones.
Pour renforcer cette observation, l’équipe a retiré génétiquement ces récepteurs pour voir s’ils pouvaient bloquer l’effet. Comme prévu, l’augmentation n’a plus été observée. Ces trois combinaisons ligand-récepteur se sont révélées proneurogènes.
En plus de révéler encore plus d’informations sur la façon dont les cellules souches produisent des neurones, cette étude offre également un aperçu de la puissance des approches de la biologie des systèmes pour identifier les facteurs importants pour le développement des cellules souches. Mais cette étude montre également l’importance de comprendre les réseaux de communication pour le développement. L’identification de l’interféron gamma est une surprise puisqu’elle est principalement associée aux réponses immunitaires. Pourtant, la molécule avait un effet significatif. En soi, ceci révèle la puissance du développement des réseaux de communication pour tous les types de cellules durant le développement et dans le cerveau adulte.
À mesure que nous obtiendrons plus d’information sur les réseaux de communication, nous comprendrons mieux ce qui se passe au niveau microscopique au cours du développement et pendant des activités cérébrales telles que l’apprentissage. Et nous pourrons peut-être même comprendre ce qui se passe au cours du vieillissement, lorsque le cerveau est blessé ou qu’il subit une neurodégénérescence. Des connaissances qui permettraient de développer de nouveaux moyens de traitement et de guérison.
Article de recherche original:
Yuzwa SA, Yang G, Borrett MJ, Clarke G, Cancino GI, Zahr SK, Zandstra PW, Kaplan DR, Miller FD. Proneurogenic Ligands Defined by Modeling Developing Cortex
Growth Factor Communication Networks. Neuron. 2016 Sep 7;91(5):988-1004. doi: 10.1016/j.neuron.2016.07.037.