Le volume du cerveau peut-il être contrôlé ?

C’est une expérience que la plupart d’entre nous avons vécu à un moment ou à un autre. Nous allumons la radio, le stéréo, la télévision et le volume est trop fort. Notre réaction est presqu’immédiate, combinant un mélange de frustration, d’impuissance, et un besoin de réduire le son. Heureusement, nous pouvons rapidement régler le cadran, le curseur ou la télécommande pour atteindre un niveau plus confortable.

Maintenant, imaginez que le contrôle soit fixé en permanence à un volume défini. Si le son est trop fort, vous devrez trouver des façons de faire à cette intrusion auditive. Ceci pourrait mener à la douleur, à l’irritabilité, et peut-être à une altération dans le comportement normal. Lorsque le son est trop fort, vous souffrez.

Ce scénario peut se produire chez certaines personnes atteintes d’autisme. Cependant, plutôt qu’une nuisance sonore, ils souffrent d’un débalancement dans le mouvement d’ions, qui comme une batterie produisent de petites quantités de charge électrique. Celles-ci agissent comme des signaux dans le cerveau, que l’on nomme transmissions excitatrices. Quand trop de ces excitations se produisent à la fois, l’harmonie de la fonction cérébrale se transforme en une cacophonie rendant le traitement correct impossible.  Ceci se traduit par des symptômes comme des troubles de mémoire, un manque de compétences sociales et des actions répétitives, connues sous le nom de stéréotypie.

Comprendre comment le cerveau peut contrôler précisément le « volume » électrique n’est pas simple.  C’est pourtant un défi qu’a relevé une équipe de chercheurs dirigés par les Drs Steven Connor et Ann Marie Craig à l’Université de la Colombie-Britannique. Le groupe a découvert un contrôleur de volume potentiel pendant le développement. Selon ces recherches, publiées dans le journal Neuron, ce contrôle pourrait résider dans une protéine, connue sous l’abréviation de MDGA2.

Dans le cerveau, il existe deux types de synapses responsables de la transmission électrique, les synapses excitatrices et les synapses inhibitrices. Comme leur nom l’implique, ces structures contrôlent les niveaux de signal dans le cerveau. Chez les individus en bonne santé, il existe un équilibre entre les deux types de signaux. Pourtant, dans plusieurs cas de troubles du spectre autistique, il semble y avoir un décalage vers une trop grande quantité d’excitation. Ce déséquilibre est à la base de la recherche du groupe du Dr Craig.

Cette recherche a porté fruit en 2013 quand le groupe a identifié un groupe de protéines dont le nom est abrévié MDGA. Ils ont montré, dans des cultures de laboratoire, que l’une de ces protéines, MDGA1, supprimait le côté inhibiteur du contrôle de volume, suggérant que la suppression ou du moins la réduction de cette protéine pourrait provoquer un déséquilibre. Mais pour prouver ceci concrètement, ils devaient passer des cultures de laboratoire à la souris. Ces expériences leur ont réservé quelques surprises.

La première était la nécessité absolue d’une autre forme de MDGA, MDGA2. Sans cette protéine, les souris ne survivaient pas. Lorsque les souris n’avaient qu’une seule copie du gène, plutôt deux, comme on le voit chez les animaux normaux, elles produisaient moins de MDGA2, mais elles survivaient.

Une fois que le test sur ces souris a commencé, une deuxième surprise a émergé. En se basant sur leurs résultats de 2013, l’équipe s’attendait à ce qu’une réduction de MDGA2 entraîne une augmentation des transmissions inhibitrices. Ce ne fut pas le cas. Ils ont plutôt observé plus de signaux excitateurs. Lorsque l’équipe a examiné l’hippocampe, ils ont constaté que la densité des synapses excitatrices avait augmentée.

Pour être sûr que les résultats se produisaient en temps réel, l’équipe a utilisé des colorants fluorescents qui deviennent plus brillants lorsque les cellules sont actives, appelés colorants sensibles au voltage. Comme les résultats précédents le suggéraient, la quantité d’activité – le volume – dans le cerveau était plus élevé de façon marquée. Il y avait un degré plus élevé de connectivité fonctionnelle dans toute la surface corticale du cerveau. Ce phénomène avait aussi été observé chez les patients souffrant d’autisme lors de scan de cerveau par IRMf. L’étude a donc montré qu’un changement génétique entraînait un changement dramatique et généralisé de l’activité électrique du cerveau, qui ne se limitait pas à l’hippocampe. Une autre observation, attendue celle-là, était que ces souris avec une réduction de MDGA2 avaient de nombreux symptômes associés aux troubles du spectre autistique. Elles avaient des performances cognitives et des interactions sociales altérées, et faisaient des mouvements répétitifs.

À la base, cette étude a dévoilé comment une protéine particulière, MDGA2, pouvait être impliquée dans le développement de l’autisme. Les auteurs ont suggéré que ce modèle de souris pourrait servir pour des études sur le développement neurologique de l’autisme. La constatation qu’une seule protéine ait un tel contrôle sur le volume des transmissions électriques suggère que chaque molécule importe dans le cerveau en développement. Elle révèle également la fragilité générale du développement du cerveau. Même une altération mineure, qu’elle soit génétique ou environnementale, peut avoir des effets durables.

Article de recherche original:

Connor SA, Ammendrup-Johnsen I, Chan AW, Kishimoto Y, Murayama C, Kurihara N, Tada A, Ge Y, Lu H, Yan R, LeDue JM, Matsumoto H, Kiyonari H, Kirino Y, Matsuzaki F, Suzuki T, Murphy TH, Wang YT, Yamamoto T, Craig AM. Altered Cortical Dynamics and Cognitive Function upon Haploinsufficiency of the Autism-Linked Excitatory Synaptic Suppressor MDGA2. Neuron. 2016 Sep 7;91(5):1052-68. doi:
10.1016/j.neuron.2016.08.016.