Contrôler le recâblage rapide de circuits du cerveau par stimulation visuelle configurée
Dans une nouvelle étude, dont les résultats paraissent dans le numéro de cette semaine de Science, des chercheurs montrent pour la première fois comment le cerveau effectue un recâblage de ses connexions et les adapte différemment selon le moment relatif de stimuli sensoriels. Un modèle très répandu dans la plupart des manuels en neurosciences explique comment les circuits nerveux pourraient affiner leur connectivité selon la décharge configurée de cellules cérébrales, un modèle qui n’avait pas encore été observé directement en temps réel. La « Hebbian Theory », du nom du psychologue Donald Olding Hebb de l’Université McGill qui l’a proposée le premier en 1949, a été résumée ainsi :
« Des cellules dont la décharge est synchronisée se lient les unes aux autres. Des cellules dont la décharge n’est pas synchronisée perdent leur lien. »
Autrement dit, une cellule nerveuse dont la décharge se fait au même moment que celle des cellules nerveuses qui sont ses voisines formera des connexions stables et fortes avec ses cellules partenaires. Par contre, une cellule nerveuse dont la décharge n’est pas synchronisée avec celle de ses voisines finira par déstabiliser et retirer ses connexions. « Pour la première fois, nous avons une preuve directe en temps réel fournie par l’observation de cellules cérébrales dans un animal intact pour étayer le modèle de Hebb, mais nous apportons aussi de nouveaux détails étonnants qui actualisent fondamentalement le modèle pour le 21e siècle », indique Edward Ruthazer, chercheur chevronné de l’étude à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro de l’Université McGill et du Centre universitaire de santé McGill.
L’étude, qui a utilisé la microscopie multiphotons à balayage laser pour observer des cellules dans le cerveau d’animaux intacts, a découvert qu’une décharge asynchrone, ou mal synchronisée, fait non seulement perdre aux cellules du cerveau leur capacité de déclencher la décharge d’autres cellules, mais les pousse contre toute attente à accroître considérablement leur élaboration de nouvelles branches en quête de partenaires mieux assortis. « La constatation étonnante et tout à fait inattendue est que même si le remodelage des circuits nerveux issu de la stimulation asynchrone affaiblit activement les connexions, il y a une hausse de 60 % des branches axonales qui explorent l’environnement, mais ces ramifications exploratoires ne vivent pas longtemps », de dire le Pr Ruthazer.
IMAGES de nerfs en action dans des têtards xénopes transparents : http://bit.ly/1lNuux0
Le laboratoire du Pr Ruthazer observe la formation des circuits du cerveau durant le développement afin de mieux comprendre les règles qui guident le câblage du cerveau sain et de faire progresser les traitements pour des lésions du système nerveux ainsi que les thérapies pour des troubles du développement neurologique, comme l’autisme et la schizophrénie. Fait étonnant, près d’un Canadien sur 100 souffre de l’un de ces troubles, ce qui entraînerait un coût de plus de 10 milliards par an pour l’économie du Canada en plus de bouleverser la vie des patients et de leurs proches.
Dans le cerveau en développement, des connexions initialement imprécises entre des cellules nerveuses sont peu à peu élaguées pour faire place à des connexions plus fortes et plus précises. Ce processus est une réaction à la stimulation modelée de l’environnement. « La façon dont nous percevons le monde en tant qu’adultes est directement influencée par ce que nous avons vu lorsque nous étions plus jeunes », dit le Pr Ruthazer.
L’équipe du Pr Ruthazer étudie le développement du cerveau dans des têtards xénopes, dont l’avantage est qu’ils sont transparents, ce qui permet de voir clairement leur système nerveux. L’équipe a développé un modèle qui permet d’observer le remodelage de cellules nerveuses in vivo, en temps réel, et de mesurer l’efficacité des connexions entre les cellules. Des fibres optiques ont été utilisées pour stimuler les yeux des têtards avec différentes configurations de lumière, pendant qu’on observait et enregistrait la formation de branches de cellules nerveuses. La stimulation asynchrone avait recours à des éclats de lumière présentés à chaque œil à différents moments, tandis que la stimulation synchrone stimulait simultanément les deux yeux.
Par ailleurs, le groupe du Pr Ruthazer a aussi commencé à identifier les mécanismes moléculaires à l’origine de ces changements dans le système nerveux. Il semble que la stabilisation des ramifications des cellules nerveuses de la rétine causée par la décharge synchrone met en jeu une signalisation en aval de l’activation synaptique d’un récepteur de neurotransmetteur, le récepteur du N-méthyl-D-aspartate. En revanche, la croissance exploratoire qui se produit avec l’activité asynchrone ne semble pas nécessiter l’activation de ce récepteur.
Version intégrale de l’article publié dans Science :
http://www.sciencemag.org/content/344/6186/904.long
Le Neuro
L’Institut et hôpital neurologiques Montréal – le Neuro, est un centre médical universitaire unique qui se consacre aux neurosciences. Fondé en 1934 par l’éminent neurochirurgien Wilder Penfield, le Neuro a acquis une renommée internationale pour son intégration de la recherche, de ses soins exceptionnels aux patients et de sa formation spécialisée, essentiels à l’avancement de la science et de la médecine. À la fois institut de recherche et d’enseignement de l’Université McGill, le Neuro constitue l’assise de la mission en neurosciences du Centre universitaire de santé McGill. Les chercheurs du Neuro sont des chefs de file reconnus mondialement pour leur expertise en neurosciences cellulaire et moléculaire, en imagerie du cerveau, en neurosciences cognitives, ainsi que dans l’étude et le traitement de l’épilepsie, de la sclérose en plaques et de troubles neuromusculaires. Pour tout renseignement, veuillez consulter leneuro.com.
Pour les images en haute résolution, et pour autorisation de ré-imprimer, veuillez contacter :
Anita Kar, Agente des communications, Le Neuro, 514 398-3376, anita.kar@mcgill.ca
Source du texte: Le Neuro