La sclérose en plaque a-t-elle une cause génétique ?

Imaginez perdre le contrôle de votre fonction nerveuse. Vous pourriez ressentir des engourdissements et de la faiblesse dans vos bras et vos jambes. Vous pourriez avoir de la difficulté à parler ou à voir.  Des tics et des tremblements pourraient vous affliger. Vous deviendriez même plus à risque de dépression.   Ce ne sont là que quelques-uns des symptômes de la sclérose en plaques, ou SEP. Cette condition affecte plus de deux millions de personnes dans le monde et diminue significativement la qualité de vie d’une personne. Et le pire dans tout ça, c’est qu’il est dû à un système du corps qui se retourne contre nous.

Le système immunitaire est notre défense naturelle contre les pathogènes et les toxines. L’exposition à ces envahisseurs conduit à une réponse pour neutraliser la menace. Pourtant, dans certains cas, le système immunitaire s’égare et se retourne contre nous. Les troupes commencent à cibler et à tuer nos propres cellules. Cette condition, connue sous le nom d’auto-immunité, peut conduire à différentes maladies, dépendant des cellules ciblées. Dans le cas de la SEP, cette cible est la gaine de myéline qui protège les nerfs et maintient leur signal et leur fonction.

L’identification des déclencheurs de l’auto-immunité n’est pas une tâche facile, en particulier pour la SEP. Des recherches ont suggéré que des facteurs environnementaux, comme une infection ou le tabagisme pourrait déclencher cette réponse.  Ces recherches ont montré des corrélations, mais aucune relation cause à effet réelle n’a été prouvée.

Un nombre presqu’égal d’études ont cherché à l’interne pour trouver une cause, dans notre code génétique. Plusieurs gènes ont été étudiés pour leur rôle potentiel dans l’apparition de la maladie. Les résultats montrent qu’un seul changement génétique peut souvent augmenter le risque de maladie.

On a identifié jusqu’à maintenant plus d’une douzaine de gènes capables de contribuer à la maladie. Certains, comme l’antigène leucocytaire humain et la protéine de capteur immunologique CD45, sont attendus, puisqu’ils jouent un rôle dans l’immunité. D’autres, comme le récepteur de la vitamine D, sont plus surprenants.

Maintenant, il y a un nouveau gène à mettre sur la liste. Officiellement appelée sous-famille de récepteurs nucléaires 1, groupe H, membre 3, on la connait aussi sous l’acronyme NR1H3. Elle a été identifié par un groupe à l’Université de la Colombie-Britannique, dirigé par les Drs Weihong Song et Carles Vilariño-Güell. Leur découverte, publiée dans le journal Neuron, révèle la complexité croissante de la SEP et montre l’utilité de d’explorer plus largement le code génétique.

Le groupe voulait acquérir une perspective sur une forme héréditaire de la maladie, la sclérose en plaques familiale. Ils ont acquis des échantillons de neuf individus d’une famille, étalés sur trois générations. Cinq d’entre eux avaient déjà reçu un diagnostic de SEP alors que les autres étaient utilisés comme témoins négatifs. Une fois les échantillons acquis, l’ADN a été séquencé pour détecter tout signe de changement génétique. Ce n’était pas une tâche facile car l’équipe a découvert plus de 47 000 variantes différentes de gènes. Toutefois, un examen plus approfondi de ces changements a permis à l’équipe de déterminer lesquels auraient un impact sur la fonction cellulaire. Ce qui a réduit leur nombre à 37.

La prochaine étape était de déterminer si l’un des 37 changements était associé à la maladie. Ils ont trouvé que 33 ne l’étaient pas. Il ne restait donc que quatre options possibles, mais une seule variante semblait plus présente chez ceux qui souffraient de SEP. Il s’agissait d’une mutation de NR1H3, désignée p.Arg415Gln, et qui, selon l’équipe, pourrait être la cause de nombreux problèmes.

Le groupe a effectué des essais en laboratoire pour déterminer si la mutation p.Arg415Gln provoquait un changement dans la fonction cellulaire. Leur étude a montré que la mutation affectait la façon dont la protéine pouvait réguler l’expression d’autres gènes. Cette dysrégulation a affecté de nombreuses voies biologiques, notamment le métabolisme du cholestérol, qui est important pour le bon développement de la gaine protectrice de myéline. Ce changement a empêché la formation de gènes responsables du transport, de la dégradation et de l’élimination du cholestérol. La mutation a également affecté la production de protéines immunologiques, ce qui a conduit à une réduction de la capacité de la cellule à prévenir l’inflammation. Cet effet entraînerait une aggravation des symptômes à mesure que la maladie progresse.

Cette étude révèle comment un seul changement génétique peut avoir des effets potentiellement drastiques sur l’ensemble du corps. Pour les auteurs, l’identification de cette mutation offre une opportunité de traitement. Cette étude montre comment l’analyse génétique au sein des familles peut aider à mieux comprendre les maladies comme la SEP et déterminer des façons de réduire les symptômes, et ainsi améliorer la qualité de vie de ceux qui souffrent.

Article de recherche original:

Wang Z, Sadovnick AD, Traboulsee AL, Ross JP, Bernales CQ, Encarnacion M, Yee IM, de Lemos M, Greenwood T, Lee JD, Wright G, Ross CJ, Zhang S, Song W, Vilariño-Güell C. Nuclear Receptor NR1H3 in Familial Multiple Sclerosis. Neuron. 2016 Jun 1;90(5):948-54. doi: 10.1016/j.neuron.2016.04.039.