Du pif et du cerveau

Dr Martin Deschênes
Dr Martin Deschênes

Découverte d’une région du cerveau permettant à la souris de coordonner sa respiration et son museau

Les souris explorent leur environnement en reniflant et en agitant leurs vibrisses plus de 700 fois à la minute. Ces commandes motrices doivent être lancées avec un parfait synchronisme par le cerveau.

Quiconque a déjà observé une souris ou un hamster a vite réalisé que ces petites créatures explorent le monde et interagissent avec leurs congénères grâce à leur museau et à leurs moustaches. Ce qui est moins évident est comment s’harmonisent ces frénétiques reniflements et battements de vibrisses. Comment parviennent-ils à ne pas interférer avec la respiration normale ou la mastication de l’animal?

La réponse se trouverait dans une région bien délimitée du cerveau qui agirait comme horloge centrale de la respiration. Cette zone coordonnerait aussi les commandes envoyées aux muscles impliqués dans les comportements orofaciaux (mouvements du visage et des oreilles). C’est ce qu’avance, dans l’édition du 28 avril de la revue Nature, une équipe internationale de chercheurs, à laquelle sont associés Martin Deschênes et Maxime Demers de la Faculté de médecine.

«Les rongeurs explorent leur environnement en reniflant et en agitant leurs vibrisses, des poils qui sont en fait des organes tactiles, explique le professeur Deschênes. La fréquence des reniflements et des battements de moustaches peut dépasser 700 à la minute, et plusieurs muscles impliqués dans les comportements orofaciaux sont aussi actifs durant la respiration, ce qui soulève le problème de leur coordination.»

Les travaux qu’il a menés avec des chercheurs américains et japonais suggèrent que ces comportements seraient coordonnés par la respiration et gouvernés par une horloge centrale située dans le bulbe rachidien. Cet oscillateur synchroniserait l’activité rythmique des neurones qui actionnent les vibrisses et enverrait des projections neuronales vers les centres moteurs qui contrôlent la plupart des muscles faciaux.

Ces travaux ouvrent une porte pour mieux comprendre le fonctionnement du cerveau humain. «Plusieurs régions du système nerveux central génèrent des activités rythmiques qui contrôlent la motricité, les états d’éveil-sommeil et la cognition, souligne Martin Deschênes. Il s’agit de comprendre comment ces oscillateurs neuronaux coordonnent leur activité pour assurer le fonctionnement normal du cerveau. Un dérèglement de ces rythmes ou de leur contrôle peut entraîner des problèmes neurologiques tel le tremblement dans la maladie de parkinson et l’épilepsie.»

Source du texte et de l’image: Université Laval
Article de recherche original: Hierarchy of orofacial rhythms revealed through whisking and breathing. Jeffrey D. Moore, Martin Deschênes, Takahiro Furuta, Daniel Huber, Matthew C. Smear, Maxime Demers & David Kleinfeld Nature 497, 205–210 (09 May 2013) doi:10.1038/nature12076