Des scientifiques de l’Université McMaster transforment du sang en neurones

Bhatia et Singh
Bhatia et Singh

Des scientifiques de l’Université McMaster ont découvert comment produire des neurones sensoriels adultes de patients humains à partir d’un échantillon de sang.
Plus précisément, des chercheurs sur les cellules souches à l’Université McMaster peuvent désormais convertir directement des cellules sanguines d’humains adultes en neurones du système nerveux central (présents dans le cerveau et la moelle épinière) ainsi qu’en neurones du système nerveux périphérique (présents dans le reste du corps et responsables de la perception de la douleur, de la température et des démangeaisons). Cette découverte permettra de tester la façon dont les cellules du système nerveux d’une personne réagissent et répondent à des stimuli à partir de son sang.
Cette percée, publiée et présentée sur la couverture de la revue scientifique Cell Reports, a été dirigée par Mick Bhatia, directeur du McMaster Stem Cell and Cancer Research Institute. Il détient la Chaire de recherche du Canada en biologie des cellules souches humaines et est professeur au Département de biochimie et de sciences biomédicales de l’école de médecine Michael. G. DeGroote. Le professeur Karun Singh a aussi joué un rôle clé dans cette découverte, et il est co-auteur de l’étude et titulaire de la Chaire de recherche sur les cellules souches humaines David Braley.
Actuellement, les scientifiques et les médecins n’ont qu’une compréhension limitée de la question complexe de la douleur et de la façon de la traiter. Le système nerveux périphérique se compose de différents types de nerfs – certains sont mécaniques (sensibles à la pression) alors que d’autres détectent la température (chaleur). Dans des conditions extrêmes, la douleur ou les engourdissements sont perçus par le cerveau en utilisant des signaux envoyés par ces nerfs périphériques.
«Le problème est qu’en prélevant un échantillon de peau ou même une biopsie de tissu, vous ne pouvez pas prendre un morceau du système nerveux d’un patient. Le système nerveux fonctionne comme un système de câblage complexe dans tout le corps et il ne peut pas être échantillonné en partie pour être étudié », explique Bhatia.
«Nous pouvons cependant facilement prendre des échantillons de sang, et produire en culture les principaux types de cellules des systèmes neurologiques – les cellules des systèmes nerveux central et le périphérique – qui sont spécifiques à chaque patient», a déclaré Bhatia. « Personne n’avait jamais fait cela avec le sang adulte. Jamais. »
«Nous pouvons prendre un échantillon de sang d’un patient, par une prise de sang telle qu’elle est pratiquée de façon routinière dans le bureau d’un médecin, et avec ce sang, nous pouvons produire un million de neurones sensoriels comme ceux qui forment les nerfs périphériques en utilisant cette nouvelle approche. Nous pouvons également produire des cellules du système nerveux central, puisque la technologie de conversion du sang que nous avons développée crée des cellules souches neuronales au cours du processus de conversion. »

Cette technologie de conversion directe révolutionnaire, brevetée, aura des «applications larges et immédiates», a déclaré Bhatia. Il ajoute qu’elle permet aux chercheurs de commencer à poser des questions sur la compréhension des maladies et l’amélioration des traitements tels que: Pourquoi est-ce que certaines personnes ressentent de la douleur plutôt que des engourdissements? Existe-t-il un facteur génétique? Est-ce que la neuropathie des patients diabétique pourrait être reproduite en culture?
Cette technologie ouvre également la voie à la découverte de nouveaux médicaments contre la douleur qui n’agiraient pas simplement en engourdissant la perception de la douleur. Bhatia dit que les opioïdes non-spécifiques, utilisés depuis des décennies, sont encore utilisés aujourd’hui.
«Si j’étais un patient en douleur ou souffrant de neuropathie, le médicament contre la douleur le plus prisé pour moi en serait un qui cible les neurones du système nerveux périphérique, mais qui n’affecte pas le système nerveux central, évitant ainsi certains des effets secondaires des médicaments », a déclaré Bhatia .
«Vous ne voulez pas vous sentir somnolent ou moins alerte, vous voulez simplement que votre douleur disparaisse. Mais, jusqu’à présent, personne n’a eu la capacité et la technologie nécessaires pour réellement tester différents médicaments pour trouver quelque chose qui cible le système nerveux périphérique et non le système nerveux central chez un patient spécifique, ou de manière personnalisée ».
L’équipe de Bhatia a testé avec succès leur processus avec du sang frais, mais aussi du sang cryoconservé (congelé). Puisque des échantillons de sang sont prélevés et congelés lors de nombreux essais cliniques, ceci leur donne «presqu’accès à une machine à revenir dans le temps» leur permettant de revenir en arrière et d’explorer des questions sur la douleur ou la neuropathie, en exécutant des tests sur les neurones créés à partir d’échantillons de sang de patients pris lors des essais cliniques passés, où les réponses et les résultats ont déjà été enregistrés.
À l’avenir, le processus pourrait avoir un potentiel pronostique, explique Bhatia. On pourrait être en mesure d’examiner un patient diabétique de type 2 et de prédire s’il va souffrir de neuropathie en exécutant des tests en laboratoire sur des cellules neuronales provenant de leur propre échantillon de sang.
«Ce type de recherche, qui va du laboratoire au chevet du patient, est très excitant et aura un impact majeur sur la gestion des maladies neurologiques, en particulier la douleur neuropathique», a déclaré Akbar Panju, clinicien, professeur de médecine et directeur médical du Michael G. DeGroote Institute for Pain Research and Care.
«Cette recherche nous aidera à comprendre la réponse des cellules à différents médicaments et à différentes stimulations, et nous permettra de fournir un traitement médical personnalisé aux patients souffrant de douleur neuropathique. »
Cette recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Ontario Institute of Regenerative Medicine, la Marta and Owen Boris Foundation, la J.P. Bickell Foundation, l’Ontario Brain Institute et Brain Canada.

Source du texte: McMaster University: Blood to feeling: McMaster scientists turn blood into neural cells
Traduction: CAN-ACN
Article de recherche original:

Lee JH, Mitchell RR, McNicol JD, Shapovalova Z, Laronde S, Tanasijevic B, Milsom C, Casado F, Fiebig-Comyn A, Collins TJ, Singh KK, Bhatia M.Single Transcription Factor Conversion of Human Blood Fate to NPCs with CNS and PNS Developmental Capacity. Cell Rep. 2015 Jun 9;11(9):1367-1376. doi: 10.1016/j.celrep.2015.04.056.