« La pauvreté la plus terrible est la solitude, et le sentiment de ne pas être aimé. » -Mère Teresa
Tout monde vit, à un moment ou à un autre de sa vie, des moments d’isolement social, de solitude. Pour de courts moments, cette solitude peut être bénéfique et conduire à une régénération émotionnelle ou créative. Pourtant, lorsque la solitude devient chronique, ses effets peuvent nuire à la santé émotionnelle.
Les humains ont un besoin fondamental d’être utiles et désirés. L’isolement peut mener à des désordres mentaux, y compris la dépendance, le comportement antisocial et la dépression. Si, du point de vue purement psychologique, ces conséquences de l’isolement sont bien définies, au niveau physiologique, les mécanismes ne sont que vaguement compris. Ceci pourrait changer grâce à une équipe de chercheurs de l’Université de Toronto, dirigée par la Dre Evelyn Lambe, qui a publié une étude examinant les effets de l’isolement social sur le cerveau de la souris. Les résultats, publiés dans le journal eLife, révèlent un mécanisme spécifique et, même, une voie de traitement possible.
La procédure expérimentale était relativement simple. Cinquante-sept souris ont été logées soit individuellement (29), ou en petits groupes (28) pendant au moins sept semaines. Ensuite, les souris ont été testées pour détecter l’anxiété et / ou les comportements dépressifs. Une fois le test terminé, les cerveaux des souris ont été examinés pour détecter des différences.
Le premier changement notable dans les souris socialement isolées était un niveau accru d’anxiété ainsi que la propension à manger plus de nourriture. Cela était essentiellement similaire à ce qu’on observe chez les humains dans des états similaires. Les souris semblaient également avoir moins d’intérêt à rechercher du plaisir, soit par l’exercice ou en mangeant des sucreries. Ces observations reflétaient également les symptômes observés chez les humains souffrant de dépression.
À ce stade, les chercheurs voulaient s’aventurer dans le cerveau pour voir ce qui s’y passait au niveau moléculaire. Le groupe s’est concentré sur le centre de récompense du cerveau, connu sous le nom de noyau caudé du raphé et sur les cellules responsables du plaisir, les neurones 5-HT. Si leurs soupçons étaient corrects, les neurones des souris socialement isolées réagiraient différemment de ceux des souris vivant en groupe.
Comme prévu, les neurones chez les souris isolées étaient moins excitables et ne répondaient pas aux niveaux normaux de stimulation. Une analyse plus approfondie a montré que ce changement était dû à une période de repos plus longue (une hyperpolarisation) entre les déclenchements de neurones. Cette condition a ouvert une perspective sur l’effet de l’isolement social, mais a également mis en évidence un suspect particulier. L’état d’hyperpolarisation est partiellement contrôlé par un certain nombre de protéines connues sous le nom de canaux SK. Ces protéines se trouvent dans diverses parties du corps, y compris le cerveau. Si l’intuition du groupe était correcte, alors le blocage de ces protéines inverserait les effets de l’isolement.
Heureusement, il y avait un moyen rapide d’effectuer cette expérience puisqu’un produit chimique du nom d’apamin était connu pour son effet de blocage des canaux SK. Lorsque la molécule a été testée, la différence entre les souris isolées et les celles hébergées en groupe a disparu. L’équipe est allée encore plus loin pour identifier les canaux SK spécifiques qui étaient responsables. Il s’est avéré qu’un sous-type connu comme SK3 était exclusivement impliqué dans le processus.
Finalement, ils ont effectué un dernier test : ils ont tenté de rétablir un comportement normal chez les souris socialement isolées en administrant de l’apamine aux animaux. Dans tous les cas, lorsque l’apamin était administrée, les souris allaient mieux. L’équipe avait trouvé – du moins chez la souris – comment la solitude conduisait à la dépression.
Pour les auteurs, cette découverte incroyablement importante n’est que la première étape. En révélant le mécanisme et avec un traitement possible en main, ils peuvent maintenant effectuer encore plus d’expériences ciblant SK3 dans l’espoir de trouver une approche thérapeutique possible de la dépression. S’ils réussissent dans cette aventure, ils pourraient être en mesure d’explorer les voies pour le traitement humain.
Bien qu’un thérapie basée sur cette découverte ne soit envisageable que dans plusieurs années, l’équipe peut se féliciter d’avoir élucidé un mystère de longue date. Cette information peut également offrir à ceux qui souffrent d’isolement social une appréciation de ce qui se passe au niveau moléculaire. Le fait de savoir que les effets de l’isolement social sont réversibles offre également un espoir.
Article de recherche original:
Sargin D, Oliver DK, Lambe EK. Chronic social isolation reduces 5-HT neuronal activity via upregulated SK3 calcium-activated potassium channels. Elife. 2016 Nov 22;5. pii: e21416. doi: 10.7554/eLife.21416.