Une découverte colossale: un nouvel organe sensoriel chez les rorquals

Shadwick, Goldbogen et Pyenson

Des scientifiques de l’Université de la Colombie-Britannique et de la Smithsonian Institution ont découvert un nouvel organe sensoriel chez les rorquals qui coordonne leur comportement alimentaire particulier – et peut aider à expliquer leur taille énorme.

Les rorquals sont un sous-groupe des baleines à fanons – comprenant le rorqual bleu, le rorqual commun, la baleine de Minke et le rorqual à bosse. Ils sont caractérisés par la présence d’une couche de graisse en accordéon qui va du museau à l’ombilic. Cette graisse s’étire jusqu’à plusieurs fois sa longueur au repos pour permettre aux baleines d’engloutir de grandes quantités d’eau chargée de proies, qui est ensuite expulsée à travers les fanons pour filtrer le krill et le poisson.

L’étude, qui sera présenté sur la couverture de la revue Nature, détaille la découverte d’un organe à la pointe du menton de la baleine, située dans le tissu ligamentaire qui relie leurs deux mâchoires.

NB: Des illustrations du mode d’alimentation par engloutissement des rorquals et de l’emplacement de l’organe sensoriel, des photos des chercheurs à l’oeuvre dans la station baleinière islandaise et une foire aux question (en anglais) sont disponibles à http://nmnh.typepad.com/pyenson_lab/nature-rorquals-organ.html

Des échantillons ont été prélevés de rorquals communs et de Minke qui avaient été capturés dans des opérations de chasse à la baleine commerciale. La chasse à la baleine commerciale a repris en 2006 en Islande et est encadrée par des quotas fixés annuellement par le gouvernement.

Un examen (scan) du menton de la baleine a permis de détecter un organe sensoriel de la taille d’un pamplemousse situé au bout des mâchoires, connecté par un tissu neurovasculaire.

L’équipe de recherche a été assistée par des techniciens de FPInnovations, propriétaire de la seule machine de tomographie par rayons X (XRCT) au Canada qui soit assez grande pour accueillir ces spécimens massifs. Utilisé pour numériser les tissus géants, la machine XRCT génère une carte tridimensionnelle de la structure interne des tissus de baleines.

«Nous pensons que cet organe sensoriel envoie des informations vers le cerveau afin de coordonner le mécanisme complexe d’alimentation par engloutissement, qui consiste à faire tourner les mâchoires, à inverser la langue et à élargir les plis de la gorge et la couche de graisse,» explique l’auteur principal Nick Pyenson , un paléobiologiste à la Smithsonian Institution, qui a effectué l’étude alors qu’il était en stage postdoctoral à l’UBC. «Cela aide probablement les rorquals à se sentir la densité des proies lors qu’ils commencent à happer l’eau.»

Le rorqual commun, qui est la deuxième plus longue baleine de la planète, peut engloutir jusqu’à 80 mètres cubes d’eau et de proie par gorgée, en moins de 6 secondes – soit une quantité égale ou supérieure à la taille de la baleine elle-même. Une étude antérieure réalisée par le co-auteur Jeremy Goldbogen a montré que le rorqual commun peut capturer 10 kilogrammes de krill par gorgée afin de maintenir sa masse corporelle moyenne de 50 tonnes. Goldbogen, qui a mené ces deux études alors qu’il était étudiant au doctorat à UBC, est maintenant un scientifique au Cascadia Research Collective à Olympia, Washington.

«En termes d’évolution, l’innovation de cet organe sensoriel joue un rôle fondamental dans l’une des méthodes d’alimentation les plus extrêmes de toutes les créatures aquatiques,» dit le co-auteur et professeur de zoologie de UBC Bob Shadwick.

«Parce que les caractéristiques physiques requises pour effectuer l’alimentation par engloutissement a évolué avant que les rorquals n’aient atteints les tailles imposantes qu’ils ont aujourd’hui, il est probable que cet organe sensoriel – et son rôle dans la coordination des mouvements nécessaire à l’engloutissement – soit responsable du fait que les rorquals soient les plus gros animaux de la terre» ajoute Shadwick.

«Cela démontre aussi que nous ne comprenons que très mal les fonctions de base de ces grands prédateurs de l’océan et souligne l’importance de la conservation de la biodiversité.»

L’étude a été financée par des subventions du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada et de la Smithsonian Institution. La Machine à XRCT de FPInnovations est un projet conjoint avec l’Université de Northern British Columbia et financé par la Fondation canadienne pour l’innovation et le BC Knowledge Development Fund.

Source du texte original: UBC Public Affairs
Traduction: J Poupart, CAN-ACN
Crédit photo: A. Wayne Vogl et Nicholas D. Pyenson / Smithsonian Institution.