Améliorer la mémoire est une quête qui semble sans fin. Parmi les techniques essayées au fil des siècles, notons le jeûne, l’activité physique intense et l’injection d’insuline. Il va sans dire qu’une idée originale n’est pas toujours efficace, ni nécessairement une bonne idée.
Toutes ces techniques, indépendamment de leur efficacité, ont une chose en commun. Elles stimulent tous une zone du cerveau responsable de catalyser la mémoire à long terme – l’hippocampe. Bien qu’il ne s’agisse pas du lieu d’entreposage des souvenirs, qui sont stockés dans tout le cerveau, cette zone est essentielle pour comprendre notre place dans l’environnement (la mémoire spatiale), et les événements autobiographiques (la mémoire épisodique).
Il existe un autre moyen d’améliorer la mémoire par stimulation de l’hippocampe. C’est le sommeil, et en particulier le sommeil paradoxal durant lequel les rêves se produisent habituellement. Pendant que notre corps se repose, notre cerveau révise nos expériences, les traite et les place dans notre réseau de neurones pour utilisation future, un processus appelé consolidation de la mémoire.
Le rôle du sommeil paradoxal dans la consolidation de la mémoire a été présumé depuis plusieurs décennies, mais n’a jamais été prouvé. Les chercheurs ont démontré que la privation de sommeil diminuait la rétention des souvenirs, ainsi que la confiance en soi et l’humeur, mais le mécanisme sous-jacent n’était pas connu.
Des chercheurs de l’Université McGill, dirigés par le Dr Sylvain Williams, ont récemment révélé que le sommeil paradoxal peut en effet être défini comme la cause de la consolidation de la mémoire chez la souris. L’étude, qui a été publié dans le journal Science, a également révélé la partie du cerveau qui pourrait être la clé de voûte pour consolider les souvenirs de souris.
Le groupe a étudié l’activité électrique dans l’hippocampe de souris. La cible de leur manipulation expérimentale était cependant une zone différente du cerveau connue sous le nom de septum médian. Des recherches antérieures avaient montré que les neurones de cette région sont reliés à l’hippocampe et libèrent le neurotransmetteur GABA pour générer un type particulier de courant électrique oscillant – connu sous le nom d’ondes thêta – pendant le sommeil paradoxal. L’équipe a théorisé que ces vagues seraient responsables de la consolidation de la mémoire et, ainsi, que le septum médian pourrait jouer un rôle causatif.
Afin de prouver ceci, les chercheurs ont utilisé une approche élégante impliquant la manipulation optogénétique des neurones du septum médian. Ces neurones ont été modifiés de façon à ce qu’une exposition à une lumière jaune les inhibe et, par conséquent, réduise la libération de GABA dans l’hippocampe.
La première expérience a consisté à utiliser la lumière jaune pour bloquer la libération de GABA pendant le sommeil paradoxal. Comme prévu, la taille des ondes thêta dans l’hippocampe a été significativement réduite. Ceci a prouvé que le septum médian était en effet responsable de la production de ondes thêta dans l’hippocampe. Mais ce n’était pas le but ultime des chercheurs.
La prochaine expérience est allée au cœur de leur théorie. Les souris ont été exposées à deux objets différents, puis on les a laissé dormir. Certaines des souris ont été traitées avec la lumière jaune pendant le sommeil paradoxal tandis que d’autres non; elles étaient des témoins. Le lendemain, les souris ont été retournés dans la cage mais un des objets avait bougé. Si l’hypothèse était correcte, les souris témoin allaient ignorer l’objet immobile – l’ayant déjà mémorisé. En revanche, les souris traitées avec de la lumière jaune exploreraient les deux objets comme s’ils étaient nouveaux. Les souris ont fait exactement comme prévu. L’inhibition des neurones du septum médian a entraîné un déficit de formation de mémoire.
Le groupe a ensuite fait d’autres études pour déterminer quels types d’expériences étaient sous un contrôle similaire. La peur et le rappel de souvenirs contextuels ont donné des résultats similaires. Toutefois, lorsqu’un test de rappel de signal a été fait, la lumière jaune n’a eu aucun effet. Ce dernier résultat était attendu car ce type de mémoire est contrôlé par une autre région du cerveau.
L’étude a prouvé la théorie des auteurs, au moins chez la souris. Des indices suggèrent que ces résultats pourraient aussi avoir une utilité dans le contexte humain. En stimulant les neurones du septum médian qui libèrent GABA, nous pourrions développer un moyen d’améliorer la mémoire pendant le sommeil. Bien que cet possibilité demeure loin dans le futur, cet espoir s’appuie aussi sur une étude récente, mais non liée, portant sur l’utilisation de la stimulation des ondes thêta chez les patients épileptiques. Dans cette étude, les volontaires ont noté non seulement une amélioration de leur condition, mais également une augmentation de la consolidation de leur mémoire.
Article de recherche original:
Boyce R, Glasgow SD, Williams S, Adamantidis A. Causal evidence for the role of REM sleep theta rhythm in contextual memory consolidation.Science. 2016 May 13;352(6287):812-6. doi: 10.1126/science.aad5252.
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