Des chercheurs de l’Université McGill pourraient avoir découvert les bases neurologiques d’un mystère qui accroche l’œil.

Il est habituellement plus facile de voir des objets grands et lumineux, mais il y a parfois des exceptions. Un exemple concerne les objets en mouvement: quand ils sont petits, nous pouvons identifier la direction de leur mouvement facilement. Mais ceci devient beaucoup plus difficile pour les plus grands objets. Ce phénomène est connu sous le nom de suppression spatiale. http://www.nature.com/nature/journal/v424/n6946/full/nature01800.html.

Cette diminution de notre perception de la direction du mouvement des objets plus grands a été documentée il y a 15 ans. Depuis, les chercheurs ont trouvé que cet effet est beaucoup plus faible dans certaines cohortes de personnes, notamment http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0896627305000139 les personnes âgées, les schizophrènes http://www.jneurosci.org/content/26/ 44 / 11403.long, et même ceux qui ont un faible QI http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982213004946. Cela signifie que les personnes de ces groupes peuvent percevoir le sens de déplacement des objets plus grands mieux que la population générale.

En dépit d’une compréhension du mouvement et de la perception, il n’y avait jusqu’à récemment que très peu d’informations sur le mécanisme neurologique sous-tendant la suppression spatiale. Plusieurs pensaient que ce phénomène se passait dans la région médiane temporale du cortex visuel, notamment l’aire visuelle 5 (MT), sous la forme d’un antagonisme périphérique au centre  http://www.annualreviews.org/doi/full/10.1146/annurev. neuro.26.041002.131052. Cependant, comment ceci pouvait se traduire en terme de décharge neuronale n’était  pas été entièrement déterminé.

Maintenant, nous sommes plus près de comprendre grâce à Liu D. Liu et à Christopher Pack de l’Institut neurologique de Montréal de l’Université McGill. En collaboration avec Ralf Haefner de l’Université de Rochester, ils ont documenté une des bases neurologiques de la perception visuelle du mouvement et vu comment elle pouvait être mal interprétée. Leurs résultats ont été publiés dans eLife http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4882155/.

L’équipe a effectué ses études chez deux singes rhésus de telle sorte que leurs fonctions cérébrales pourraient être suivies en temps réel par des enregistrements électrophysiologiques de la région MT. Avant que les expériences ne puissent commencer, les animaux ont été entrainés à signaler leur perception en faisant un mouvement des yeux. Lorsqu’un stimulus se déplaçait, ils réagissaient en regardant dans la direction du mouvement perçu.

L’expérience a débuté avec un court stimulus dans une de deux directions. Les singes montraient leur perception comme ils avaient été entrainés à le faire, et des données sur la décharge des neurones étaient récoltées.  L’expérience a été répétée avec des objets de différentes tailles, afin de déterminer comment ceci affectait la perception du mouvement.

Après ces tests, les données ont été analysées pour identifier une caractéristique particulière des neurones: ils sont bruyants. Ils ne répondent jamais au même stimulus de la même manière, ce qui pourrait limiter l’encodage des informations. Si le niveau de bruit détecté était trop élevé, la perception du mouvement serait moins optimale.

Lorsque les résultats ont été analysé, ils ont montré que le facteur de bruit a certainement joué un rôle pour les objets de plus grande taille, et ont conduit à une mauvaise perception du mouvement. Ceci n’était pas une surprise. Mais quand l’équipe a examiné comment le cerveau contribuait à cet effet, ils ont trouvé des indices révélant une fonction inattendue.

Le nombre de décharges des neurones dans la région MT augmentait avec la taille de l’objet comme prévu, mais les neurones assurant le suivi des petits objets étaient moins bruyants.  En contraste, les neurones responsables de détecter le mouvement dans l’environnement périphérique étaient corrompus par le mouvement.  En conséquence, la capacité des singes à distinguer le mouvement des petits objets était améliorée, alors que leur capacité de distinguer le mouvement des objets de grande taille était entravée.

Pour les auteurs, ces résultats pointent vers un mécanisme pouvant expliquer le phénomène. Plus les objets sont grands, plus une forme de désensibilisation neuronale se produit dans la région MT,  qui résulte en un compromis entre la sensibilité pour les petits et les grands stimuli conduisant à la suppression spatiale et une mauvaise perception du mouvement. Les animaux ont été en quelque sorte désensibilisés par rapport aux grands objets, et ont été incapables, en conséquence, de les suivre par rapport à la zone environnante.

Cette recherche offre une perspective sur le mécanisme neurologique sous-tendant la difficulté de percevoir correctement le mouvement, et les auteurs notent également que ce type de suppression spatiale est moins marquée dans certaines populations comme les personnes âgées et les personnes souffrant de schizophrénie. Bien qu’aucune corrélation n’ait été faite dans cette étude, les auteurs suggèrent que ce phénomène pourrait mériter d’être étudié à l’avenir.