Dépendance: communication anormale dans le cerveau

Dr Alain Dagher
Dr Alain Dagher

La dépendance à la cigarette, aux drogues et autres stimulants a été associée précedemment aux lobes frontaux du cerveau, mais il existe maintenant des preuves scientifiques qui indiquent où et comment la dépendance s’installe dans le cortex frontal. La dépendance pourrait résulter d’une communication anormale entre deux zones des lobes frontaux liées à la prise de décision. Cette découverte stimulera sans doute le travail clinique sur de nouveaux traitements pour des millions de personnes qui souffrent de dépendance.

La recherche, menée par le Dr Alain Dagher, neurologue et chercheur spécialisé dans la dépendance à l’hôpital et l’Institut neurologique de Montréal -le Neuro de l’Université McGill et le Dr Takuya Hayashi du «Centre for Imaging Science RIKEN» à Kobe, au Japon, a été publié le 28 janvier dans les Proceedings de la National Academy of Sciences (USA), l’un des plus importants forums scientifiques au monde.

L’étude visait à identifier les zones du cerveau qui régulent l’état de manque des personnes dépendantes, et qui stimulent leur envie lorsqu’ils sont confrontés à des situations tentantes, comme lorsqu’un fumeur voit la cigarette allumée d’une autre personne. Dix fumeurs ont été étudiés par Imagerie par Résonance Magnétique fonctionnelle (IRMf) et par Stimulation Magnétique Transcrânienne (SMT), une méthode non-invasive qui permet d’activer des régions spécifiques du cerveau, et qui est utilisée dans l’étude du fonctionnement du cerveau et des connexions neuronales.
L’état de manque a été déclenché par la présentation d’images de fumeurs. Le degré de l’état de manque était codé dans le cortex orbitofrontal médial (OFC), une région connue pour son implication dans l’évaluation et la poursuite d’objectifs. La maîtrise de soi a été induite en disant aux sujets qu’ils ne seraient pas autorisés à fumer après avoir vu les images de fumeurs. La maîtrise de soi semble être encodée dans une autre partie du cerveau, le cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC), une zone connue pour son implication dans la planification d’actions pour atteindre un but.

Les chercheurs ont découvert qu’ils pouvaient utiliser la stimulation magnétique transcrânienne pour inactiver temporairement le DLPFC et arrêter l’envie de cigarettes. Ces résultats montrent que la maîtrise de soi résulte de la suppression des signaux de récompense dans l’OFC par le DLPFC. Un dysfonctionnement des lobes frontaux, qui peuvent résulter, par exemple, de stress psychologique, pourrait nuire à la maîtrise de soi et conduire à des excès de prise de médicaments.

Les chercheurs croient que la dépendance pourrait être le résultat d’une communication anormale entre ces deux régions du cerveau.

«Cette hypothèse est conforme à l’idée que la toxicomanie est une pathologie de la prise de décision», a indiqué le Dr Dagher.

«Il s’agit d’un circuit neuronal impliqué dans la prise de décision et la maîtrise de soi qui guide normalement les individus à un comportement optimal dans la vie quotidienne», a déclaré le Dr Hayashi.

Les cliniciens pourront utiliser cette découverte pour adapter leur approche thérapeutique pour traiter la dépendance sur la base des réseaux neuronaux.

Source du texte: McGill University
Traduction: CAN-ACN
Référence:
Takuya Hayashi, Ji Hyun Ko, Antonio P. Strafella, and Alain Dagher
Dorsolateral prefrontal and orbitofrontal cortex interactions during self-control of cigarette craving
PNAS 2013 ; published ahead of print January 28, 2013, doi:10.1073/pnas.1212185110