5 avril, 2012 – Des chercheurs du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine affilié à l’Université de Montréal ont identifié comment, en quelques heures, des cellules nerveuses sont capables de développer une résistance aux opioïdes contre la douleur. « Une meilleure compréhension de ces mécanismes nous permettra de créer des médicaments qui permettront d’éviter que le corps ne développe une résistance à ces médicaments, notamment les analgésiques opioïdes, et de prolonger les réactions thérapeutiques », a déclaré l’auteure principale, Dre Graciela Pineyro.
Les humains connaissent depuis des siècles l’utilité des opioïacés, qui proviennent souvent de plants de pavot, mais on en sait très peu sur la manière dont ils perdent leur efficacité au cours des heures, des jours et des semaines suivant la première dose. « Notre étude a permis de découvrir des mécanismes cellulaires et moléculaires qui se produisent dans le corps lui permettant de développer une résistance à ces médicaments, ce que les scientifiques appellent la tolérance médicamenteuse », a-t-elle ajouté.
L’équipe de chercheurs a examiné comment des molécules de médicaments interagissent avec les molécules qu’on appelle des récepteurs, présentes dans chaque cellule du corps. Les récepteurs reçoivent des signaux provenant des produits chimiques avec lesquels ils entrent en contact, ce qui enclenche diverses réactions cellulaires. Les récepteurs s’installent sur la paroi cellulaire et attendent que des produits chimiques correspondants, appelés ligands récepteurs, interagissent avec eux. Les ligands peuvent être produits par l’organisme ou introduits sous forme de médicament, par exemple.
« Jusqu’à maintenant, les scientifiques croyaient que les ligands agissaient comme des interrupteurs sur ces récepteurs, et que tous les ligands produisaient le même genre d’effet, à quelques variations près quant à l’ampleur de la réaction suscitée », a expliqué Dre Pineyro. « Nous savons maintenant que les médicaments qui activent le même récepteur ne produisent pas à tout coup le même effet, étant donné que les récepteurs ne reconnaissent pas toujours les médicaments de la même manière. Les récepteurs configurerent différents médicaments en signaux spécifiques, entraînant des effets différents dans l’organisme selon le signal envoyé. »
Une fois activés par un médicament, les récepteurs se déplacent de la surface de la cellule vers l’intérieur. Une fois ce « périple » terminé, ils peuvent soit être détruits, soit retourner à la surface pour servir à nouveau, grâce à un processus appelé « recyclage des récepteurs ». En comparant deux sortes d’opioïdes – DPDPE et SNC-80 –, les chercheurs ont découvert que les ligands (les produits chimiques qui permettent l’interaction avec la cellule) favorisant le recyclage produisent une tolérance analgésique inférieure à ceux ne le favorisant pas. « Il y aurait lieu de croire que la mise au point de ligands opioïdes favorisant le recyclage pourrait être une manière de produire des analgésiques opioïdes à action prolongée », a ajouté Dre Pineyro.
Dre Graciela Pineyro tente d’extraire la fonction « antidouleur » des opioïdes de la partie qui déclenche les mécanismes favorisant le développement de la tolérance. « Mon laboratoire et mon travail s’intéressent particulièrement à la conception rationnelle de médicaments et s’attachent à définir comment ceux-ci produisent les effets désirables et indésirables, de manière à éviter ces derniers », a-t-elle déclaré. « Si nous pouvons comprendre les mécanismes chimiques par lesquels les médicaments produisent des effets thérapeutiques et des effets secondaires indésirables, nous serons en mesure de concevoir de meilleurs médicaments. »
Notes :
L’étude intitulée « Differential association of receptor-Gβγ complexes with β-arrestin2 determines recycling bias and potential for tolerance of delta opioid receptor (DOR) agonists » a été publiée le 3 avril 2012 dans The Journal of Neuroscience. Les travaux étaient financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada. La docteure Graciela Pineyro, M.D., Ph. D., est affiliée aux départements de psychiatrie et de pharmacologie de l’Université de Montréal ainsi qu’au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.
Sur le Web :
- Profil de Graciela Pineyro
- Faculté de médecine de l’Université de Montréal
- Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
- Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada
- Instituts de recherche en santé du Canada
Source:
William Raillant-Clark
Attaché de presse international
Université de Montréal
514 343-7593