Des chercheurs du Neuro en collaboration avec l’Université du Maryland, ont déchiffré les calculs mathématiques que des neurones spécifiques effectuent pour nous informer de la distance qui nous sépare d’un objet et de la vitesse 3D d’objets en mouvement et de surfaces par rapport à nous. Des neurones très spécialisés du cortex visuel du cerveau, situés dans une aire appelée MST, réagissent sélectivement à des schémas de mouvements comme l’expansion, la rotation et la déformation. Or, les calculs à la base de cette sélectivité étaient inconnus jusqu’à présent.
En recourant à des modèles mathématiques et des techniques pointues d’enregistrement, les chercheurs ont découvert comment des neurones individuels de l’aire MST fonctionnent. « L’aire MST est typique du cortex visuel de haut niveau, en ce sens que l’information concernant d’importants aspects de la vue peut être observée dans les schémas d’activation de neurones individuels. Un bon exemple serait un neurone qui ne s’activerait que lorsque le sujet regarde une image d’un visage en particulier. Ce type de neurone doit assembler de l’information qui est acheminée par d’autres neurones qui sont sélectifs à des caractéristiques plus simples, comme des lignes, des couleurs et des textures; il doit ensuite combiner ces données de façon assez poussée », dit Christopher Pack, neuroscientifique au Neuro et auteur principal de l’étude. « De même, pour détecter des mouvements, les neurones doivent combiner des données acheminées par nombre d’autres neurones précédemment dans les voies optiques, afin de déterminer si quelque chose se dirige vers vous ou passe seulement à côté de vous. Les voies optiques du cerveau sont un ensemble de structures. Ainsi, les neurones de la rétine répondent à des stimuli très simples, comme des petits points de lumière. D’autres neurones des voies optiques répondent à des stimuli plus complexes comme des lignes droites, en combinant l’information fournie précédemment par d’autres neurones. Des neurones plus loin répondent à des stimuli encore plus complexes, comme des combinaisons de lignes (angles), ce qui mène à des neurones qui peuvent répondre à des visages et à des objets, par exemple, ou les reconnaître.
L’équipe de chercheurs a constaté qu’un calcul remarquablement simple réside au cœur de cette sélectivité neuronale pointue : les neurones de l’aire MST semblent pouvoir effectuer un processus multiplicatif de l’information acheminée par des neurones à l’étape précédente dans les voies optiques, une aire bien étudiée appelée MT. Autrement dit, l’information que les neurones de l’aire MT transmettent est multipliée pour obtenir celle des neurones de l’aire MST. Cela se révèle très similaire à ce qui a été observé dans d’autres régions du cerveau et chez d’autres espèces, et semble indiquer qu’il pourrait s’agir d’une stratégie générale par laquelle le cerveau traite l’information sensorielle. « Un des aspects intéressants des calculs est qu’ils semblent être de même nature que ceux constatés chez les mouches et les coléoptères, ce qui porte à croire que l’évolution a déjà résolu ce problème, il y a au moins quelques centaines de millions d’années. »
« Nous avons développé un nouveau stimulus de mouvement avec une configuration variable (par ex. des points sur un écran qui prennent de l’expansion, tourbillonnent, font des cercles vers la droite, se contractent, etc.) et avons enregistré des neurones de l’aire MST répondant à ces stimuli », explique Patrick Mineault, doctorant au Neuro et premier auteur de l’étude. « Pour éluder l’augmentation des complexités des calculs à chacune des diverses étapes des voies optiques, nous avons incorporé des données connues de neurones situés à l’étape précédente des voies optiques – ceux de l’aire MT, laquelle précède l’aire MST. Comme nous disposions, grâce aux enregistrements de l’étude, de mesures pour l’information fournie par les neurones de l’aire MST et que nous connaissions déjà les résultats des neurones de l’aire MT, il nous suffisait d’effectuer le calcul entre les valeurs de ces deux fonctions – qui se trouve à être une fonction multiplicative. » Les modèles mathématiques rendent compte de façon satisfaisante de la sélectivité des stimuli de certains neurones cérébraux des mouvements complexes – dont l’importance est vitale pour nous aider à tracer notre route dans le monde.
Ces travaux de recherche ont été soutenus financièrement par les Instituts de recherche en santé du Canada, le ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, la Fondation nationale des sciences des États-Unis, le Fonds de recherche du Québec – Santé et le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.
Source du texte et de l’image: Institut neurologique de Montréal (le Neuro)
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal :
L’Institut et hôpital neurologiques de Montréal, le Neuro, est un centre médical universitaire unique qui se consacre aux neurosciences. Fondé en 1934 par le réputé Dr Wilder Penfield, le Neuro est reconnu dans le monde entier pour la manière dont il intègre la recherche, des soins prodigués avec compassion aux patients et la formation de pointe, autant de facteurs sans lesquels la science et la médecine ne pourraient progresser. Cet institut de recherche et de formation rattaché à l’Université McGill est au cœur de la mission en neurosciences que s’est donnée le Centre universitaire de santé McGill. Ses chercheurs sont des chefs de file mondiaux dans les neurosciences cellulaires et moléculaires, en imagerie cérébrale, en neurosciences cognitives ainsi que dans l’étude et le traitement de l’épilepsie, de la sclérose en plaques et des troubles neuromusculaires. Dans son budget de 2007, le gouvernement fédéral a fait de l’Institut neurologique de Montréal un des sept centres d’excellence du Canada, ce qui a lui a permis d’obtenir 15 millions de dollars pour financer ses recherches et ses activités de commercialisation dans le domaine des maladies neurologiques et des neurosciences.