Il est bien connu que des événements qui se produisent dans l’utérus peuvent affecter la santé de l’enfant devenu adulte . Les changements dans l’environnement maternel peuvent avoir des effets durables sur les enfants, des décennies plus tard. Une nouvelle étude menée par The Hospital for Sick Children ( SickKids ) est la première à démontrer comment les perturbations (comme les infections) pendant la grossesse peuvent entraîner une augmentation de cellules souches du cerveau de la progéniture. L’étude, publiée dans l’édition en ligne de 7 novembre de Cell Stem Cell, montre ce qui se passe dans le cerveau lorsque l’environnement fœtal est perturbé.
En utilisant des modèles de souris, l’équipe de recherche dirigée par les Drs Freda Miller et David Kaplan, scientifiques au SickKids, a exploré l’effet d’une cytokine spécifique (molécule de signalisation) sur la croissance de cellules souches dans le cerveau. Quand une personne a une infection, le système immunitaire se défend, en partie, en sécrétant des niveaux élevés de cytokines dans la circulation. L’une de ces cytokines, l’interleukine- 6, augmente lors d’une infection, et a été impliquée dans les résultats comportementaux anormaux suite à des infections maternelles chez la souris.
«Nous avons été surpris d’apprendre qu’une augmentation aiguë de l’interleukine- 6 qui imite une infection virale peut avoir un impact énorme sur le nombre, mais aussi sur le comportement des cellules souches adultes dans le cerveau de la progéniture adulte », dit Miller, chercheur principal en développement et biologie des cellules souches à SickKids et professeur au Département de génétique moléculaire à l’Université de Toronto.
Les cellules souches construisent le cerveau pendant la vie embryonnaire, et à l’âge adulte, elles régulent des aspects de l’apprentissage et de la mémoire et seraient impliqués dans la réparation du cerveau blessé. Le corps contrôle attentivement le nombre et le comportement des cellules souches pour construire correctement un cerveau qui fonctionne bien.
L’étude a révélé que l’augmentation de l’interleukine- 6 maternelle produisait une hyperactivation d’une voie nouvellement identifiée qui est importante pour le développement de cellules souches dans l’embryon. «Nous avons découvert que cette voie détermine normalement le nombre précis de cellules souches nécessaires dans le cerveau pour le développement normal du cerveau, mais à cause de l’hyperactivité, le nombre de cellules souches neurales a doublé », dit Miller.
Les mécanismes qui régulent le développement des cellules souches que l’on trouve dans les tissus adultes ne sont pas bien compris. Cette étude montre comment des groupes de cellules souches sont formés dans le cerveau, et soutient l’idée que le nombre de cellules souches dans le cerveau adulte est déterminée dans le cerveau embryonnaire. « Nous avons constaté que la brève hausse d’interleukine- 6 maternelle provoque une accélération de la croissance de cellules souches du cerveau , donc l’une des prochaines étapes est de regarder dans quel impact cela aura à long terme », dit Kaplan , chercheur principal en biologie cellulaire au Hospital for Sick Children , et professeur au Département de génétique moléculaire à l’Université de Toronto .
Des recherches antérieures sur des souris aux États-Unis avaient montré que l’augmentation de l’interleukine- 6 au cours d’infections virales chez les mères de souris pouvait conduire à un comportement anormal dans leur progéniture. De plus, des infections maternelles chez les humains ont été associées à l’autisme et la schizophrénie.
Ces travaux précédents établissaient que la progéniture des souris infectées présentait un comportement anormal à l’âge adulte, et la présente étude fournit une base cellulaire possible pour l’expliquer. Ensemble, ce travail montre que la perturbation temporaire causée par une infection maternelle grave peut affecter le fonctionnement du cerveau à l’âge adulte. «C’est comme si les cellules souches se souvenaient du choc initial vécu dans l’embryon, et qu’elles continuaient à en être affectées», dit Kaplan.
Les résultats de cette étude suscitent de nouvelles questions et ouvrent d’autres pistes de recherche. «Une de nos prochaines étapes est d’explorer l’impact d’une infection grave pendant la grossesse en combinaison avec des facteurs génétiques. L’infection de la mère pendant la grossesse peut ne pas sérieusement affecter l’enfant à naître s’il ne porte pas de gènes de risque pour l’autisme, par exemple. Cependant, pour un bébé qui porte ces gènes de risque pour l’autisme, l’infection de la mère pourrait être le déclencheur environnemental qui peut conduire à la maladie. Nous aimerions y travailler à l’avenir», dit Kaplan.
L’équipe de recherche souhaite également étudier les conséquences d’avoir des cellules souches neurales supplémentaires , car il est concevable que ce nombre plus élevé de cellules souches aide à réparer le cerveau plus tard dans la vie , et aussi les autres influences environnementales pendant la grossesse qui pourraient provoquer des perturbations dans le comportement des cellules souches et le développement du cerveau.
Cette recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, la fondation Three to be, la fondation Neuro Canada et la fondation SickKids .
Source du texte:
SickKids Hospital: http://www.sickkids.ca/AboutSickKids/Newsroom/Past-News/2013/Disturbing-the-fetal-brain-during-pregnancy-impacts-neural-stem-cell-growth-of-offspring-into-adulthood.html
Traduction: CAN-ACN
Article de recherche original:
Gallagher D, Norman AA, Woodard CL, Yang G, Gauthier-Fisher A, Fujitani M,
Vessey JP, Cancino GI, Sachewsky N, Woltjen K, Fatt MP, Morshead CM, Kaplan DR,Miller FD. Transient maternal IL-6 mediates long-lasting changes in neural stem cell pools by deregulating an endogenous self-renewal pathway. Cell Stem Cell. 2013 Nov 7;13(5):564-76. doi: 10.1016/j.stem.2013.10.002. PubMed PMID: 24209760.