Saisir les fonctions de la main

Dr. Robert Brownstone
Dr. Robert Brownstone
Découverte des principaux circuits dans la moelle épinière

Le professeur et neurochirurgien Rob Brownstone et le chercheur postdoctoral Tuan Bui ont identifié le circuit de la moelle épinière qui contrôle la capacité des mains à saisir.

Le journal de neuroscience le mieux coté au monde, Neuron, a publié cette percée importante dans son dernier numéro.

Les chercheurs ont constaté qu’une certaine population de neurones de la moelle épinière – appelés interneurones EL3 – évaluent l’information transmise par les neurones sensoriels des mains, puis envoient les signaux appropriés aux neurones moteurs de la moelle épinière, et donc aux muscles, pour contrôler la prise par la main.

Importance du contrôle de la poignée de main

«Ce circuit nous permet d’ajuster de façon subtile et inconsciente la force que nous appliquons afin d’assurer que notre prise soit adaptée à l’objet tenu. », explique le Dr Brownstone, professeur au Département de neurosciences médicale et de la Division de neurochirurgie. «Ce mécanisme est perturbé dans certaines lésions de la moelle épinière, qui peuvent éliminer complètement la capacité de saisir, et dans les maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, qui peuvent entraîner une préhension incontrôlable telle que les gens saisissent des objets par réflexe et ne peuvent plus lâcher ce qu’ils touchent. «

La perte des facultés manuelles a un effet dévastateur sur l’indépendance des personnes et leur capacité de fonctionner dans la vie quotidienne. Comme le Dr Brownstone le souligne, les personnes atteintes de tétraplégie ont classé les fonctions manuelles comme étant leur priorité numéro un, lorsqu’on leur a demandé, lors d’une enquête effectuée en 2004, la fonction qu’ils aimeraient le plus récupérer s’ils le pouvaient. Ils ont placé la fonction des mains bien au-delà de la stabilité du tronc, de la marche, des fonctions sexuelles, de la vessie et des intestins, et la sensation normale.

Une découverte inattendue

Les Drs Brownstone et Bui testaient un circuit de la moelle épinière pour son rôle dans la structure rythmique de la marche, quand ils ont trouvé que ce circuit contrôlait plutôt la prise de main. «Les souris chez lesquelles ce circuit était perturbé marchaient très bien, mais j’ai trouvé que c’était extrêmement facile de les sortir de leur cage», raconte le Dr Bui. « Les souris s’accrochent généralement aux fils de leur cage quand vous tentez de les sortir, et c’est ce qui nous a fait réfléchir.»

Pendant que le Dr Bui s’interrogeait sur le sens de cette observation inattendue dans le laboratoire, le Dr Brownstone était dans sa clinique de neurochirurgie, en train d’évaluer une patiente qui était incapable de contrôler sa prise. «Après m’avoir pris la main, elle était incapable de la lâcher», se souvient-il. «J’ai dû enlever ses doigts un à un pour libérer ma main.»

En comparant leurs notes, les Drs Brownstone et le Bui se sont vite aperçu qu’ils avaient découvert le circuit qui contrôle la prise par la main. Frappés par les conséquences de leurs observations, ils ont entrepris une série d’expériences – avec des collaborateurs, y compris le Dr Tom Jessell de l’Université Columbia à New York – qui a validé leurs résultats.

Une voie vers des traitements futurs

Maintenant que les chercheurs ont identifié le circuit de la moelle épinière qui contrôle spécifiquement la poignée de main, ils peuvent chercher des cibles pour le traitement potentiel de fonctions manuelles affaiblies. «Il pourrait être possible d’ajouter un neurotransmetteur ou un autre agent dans la moelle épinière pour corriger le circuit défectueux», note le Dr Brownstone. «Cette stratégie pourrait s’avérer complexe, mais la compréhension demeure toujours la première étape.»

Le Dr Brownstone détient une chaire de recherche du Canada de niveau 1 sur les circuits de la moelle épinière. Sa recherche est également soutenue par des subventions des Instituts de recherche en santé du Canada. Le Dr. Bui est un membre clé de l’équipe de recherche du Dr Brownstone dans le laboratoire de contrôle moteur à l’Université Dalhousie, où ils tentent d’identifier les circuits neuronaux qui contrôlent notre capacité à marcher et à bouger de manière coordonnée. Leur but ultime est d’identifier des cibles pour les thérapies visant à rétablir la fonction motrice perdue et le contrôle chez les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière et d’autres maladies neurologiques.

Source du texte: Dalhousie University

Traduction: CAN-ACN

Article de recherche original:
Circuits for Grasping: Spinal dI3 Interneurons Mediate Cutaneous Control of Motor Behavior
Neuron, Volume 78, Issue 1, 10 April 2013, Pages 191-204
Tuan V. Bui, Turgay Akay, Osama Loubani, Thomas S. Hnasko, Thomas M. Jessell, Robert M. Brownstone