Prix Cerveau en tête: Johnson Ying

Johnson Ying

Johnson Ying | McGill University

Publication scientifique
Ying, J. Keinath, A.T. Lavoie, R. Vigneault, E. Mestikawy, S.E. Brandon, M.P. (2022) Disruption of the grid cell network in a mouse model of early Alzheimer’s disease. Nat. Commun. 13, 886.

https://www.nature.com/articles/s41467-022-28551-x

L’identification de marqueurs précoces de la maladie d’Alzheimer ouvre la voie à des traitements préventifs.

L’échec de plusieurs essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer met en évidence la nécessité de disposer de marqueurs précoces permettant d’identifier avec précision les individus à risque au stade préclinique, avant qu’ils ne développent des symptômes graves. Au cours de la dernière décennie, les déficits de navigation spatiale sont apparus comme l’un des marqueurs comportementaux précoces les plus sensibles de la maladie d’Alzheimer – les patients sont fréquemment désorientés et ont des difficultés à se déplacer dans des environnements familiers. Toutefois, les mécanismes cérébraux à l’origine de ces déficits de navigation restent un mystère. Pour faire la lumière sur cette question au niveau cellulaire, Johnson Ying, étudiant en doctorat du laboratoire de Mark P. Brandon à l’Université McGill, a utilisé de minces fils de la taille d’un micron pour enregistrer l’activité cérébrale de nombreux types de cellules modulées dans l’espace chez un modèle murin de la maladie d’Alzheimer. Dans cette étude, les auteurs ont découvert qu’un type de cellule spécifique, connu sous le nom de « cellules grilles », dans une région du cerveau appelée cortex entorhinal médian, était altéré au début de la pathologie.

L’activité des cellules grilles a été enregistrée simultanément chez les animaux pendant qu’ils naviguaient librement dans un environnement carré. Chez les souris saines, les cellules de la grille s’activaient en de multiples endroits de l’espace, formant un motif hexagonal qui recouvrait la totalité de l’espace, un peu comme un système GPS interne. En revanche, chez les souris atteintes de la maladie d’Alzheimer, le motif hexagonal était brisé, ce qui suggère qu’elles ne pouvaient pas maintenir une carte interne précise de l’espace. Les déficiences des cellules grilles sont en corrélation avec les déficits dans une tâche de navigation spatiale. Tous les autres types de cellules à modulation spatiale dans le cortex entorhinal médian n’ont pas été affectés. Ces résultats montrent que la pathologie de la MA au stade précoce ne perturbe pas tous les types de codage spatial dans le cerveau, mais altère spécifiquement la signalisation spatiale des cellules grilles, ce qui pourrait sous-tendre les déficits de navigation chez les patients atteints de la MA au stade précoce.

Ces résultats confirment la viabilité de l’imagerie IRMf humaine des cellules grilles (un signal cérébral chez l’homme qui serait analogue aux cellules grilles enregistrées chez la souris) en tant que marqueur précoce de la maladie d’Alzheimer, qui pourrait également être utilisé pour évaluer l’efficacité des traitements de la maladie d’Alzheimer administrés aux patients.

Parallèlement, ces résultats justifient davantage l’utilisation de tests de navigation spatiale comme marqueurs comportementaux sensibles de la MA précoce, dont le domaine clinique a grand besoin.

La maladie d’Alzheimer est incurable. De nombreux essais cliniques sur la maladie d’Alzheimer n’ont pas réussi à inverser efficacement les dommages causés par la maladie chez les patients symptomatiques. La découverte décrite ici pourrait permettre d’identifier les patients atteints de la maladie d’Alzheimer aux premiers stades de la pathologie, offrant ainsi aux cliniciens et aux scientifiques la possibilité de mettre au point des thérapies qui préviennent ou retardent l’apparition des symptômes graves de la maladie, tels que la perte de mémoire.

Ces travaux ont nécessité l’enregistrement de plus de 4 000 neurones chez 68 animaux et se sont étalés sur quatre ans. Il s’agit non seulement du plus grand ensemble de données électrophysiologiques unitaire de toutes les études menées à ce jour sur le modèle de souris de la maladie d’Alzheimer, mais aussi du seul ensemble de données permettant d’étudier le déclin cellulaire progressif au cours des premiers stades de la pathologie. Johnson Ying a également recueilli des données comportementales, effectué des analyses statistiques et rédigé le manuscrit avec son superviseur.

 

À propos de Johnson Ying

Avant d’entrer à l’université, Johnson était très peu doué pour la mémorisation par cœur et les examens à choix multiples (il l’est toujours), et ses résultats dans les cours de biologie étaient terribles. L’idée d’étudier un jour un organe biologique était la chose la plus éloignée de son esprit. Indécis quant à son avenir, M. Johnson a découvert les neurosciences par hasard, en lisant un livre de développement personnel qui parlait de neuroplasticité. Le fait qu’un morceau de gelée de 3 livres gouverne les pensées, les actions et les émotions d’une personne a fasciné Johnson et il a su qu’il avait trouvé sa voie. La décision impulsive d’étudier les neurosciences s’est transformée en doctorat sous la tutelle du Dr Brandon, que Johnson a croisé pendant ses études. M. Johnson attribue sa réussite au Dr Brandon, qui a pris le pari d’un enfant plein de cœur mais sans direction, au soutien des membres du laboratoire, au financement du FRQS et des IRSC, et à ses parents qui ont travaillé sans relâche en tant qu’immigrants de première génération. M. Johnson espère que son histoire inspirera d’autres jeunes esprits encore indécis quant à leur avenir ou qui n’ont pas les meilleurs résultats en classe à tenter leur chance en recherche. Après tout, dans un laboratoire, le talent et les notes comptent beaucoup moins que la passion et une éthique de travail honnête.

Sources de financement

Ce travail a été financé par les subventions de projet IRSC #367017 et #377074, une subvention à la découverte CRSNG #74105, une subvention de la Scottish Rite Charitable Foundation, une subvention du Fonds canadien pour l’innovation et une bourse du Programme des chaires de recherche du Canada à Mark P. Brandon. Johnson Ying a bénéficié d’une bourse de formation doctorale du Fonds de recherche du Québec, et auparavant d’une bourse de formation à la maîtrise du Fonds de recherche du Québec et d’une bourse de formation à la maîtrise des IRSC.