Prix Cerveau en tête 2021: Megan Roussy

Megan RoussyMegan Roussy | University of Western Ontario

Scientific publication:

Roussy, M., Luna, R., Duong, L., Corrigan, B., Gulli, R., Nogueira, R., Moreno-Bote, R., Sachs, A., Palaniyappan, L, & Martinez-Trujillo, J. C. (2021). Ketamine disrupts naturalistic coding of working memory in primate lateral prefrontal cortex networks. Molecular Psychiatry. doi: 10.1038/s41380-021-01082-5.
https://www.nature.com/articles/s41380-021-01082-5

Utilisation de la réalité virtuelle pour étudier l’effet de la kétamine sur la mémoire de travail

La kétamine a d’abord été utilisée comme anesthésique, mais elle est apparue plus récemment comme un antidépresseur à action rapide dans la pratique médicale. Elle est également utilisée comme drogue récréative. Lorsqu’elle est administrée de façon aiguë à faible dose, la kétamine provoque des déficits cognitifs semblables à ceux observés chez les patients atteints de schizophrénie, notamment une altération de la mémoire de travail. Megan Roussy, doctorante à l’Université de Western Ontario, a étudié l’effet de la kétamine sur des primates lors d’une tâche de mémoire de travail spatiale dans un environnement de réalité virtuelle naturaliste. Elle a découvert qu’elle affecte spécifiquement le codage de la mémoire dans une région du cerveau appelée cortex préfrontal latéral.

Dans cette étude, les chercheurs ont développé une nouvelle tâche de mémoire de travail visuospatiale qui se déroule dans un environnement virtuel et qui imite l’utilisation de la mémoire de travail dans la vie réelle. Ils ont constaté que la kétamine, un bloqueur des récepteurs NMDA qui imite les symptômes de la schizophrénie, diminuait sélectivement les performances pendant la tâche de mémoire de travail, mais pas pendant une tâche de contrôle perceptif appariée.

Il s’agit du premier article à décrire le codage neuronal unique de la mémoire de travail dans le cortex préfrontal dans un environnement virtuel. À l’aide d’électrodes à haut rendement, les chercheurs ont enregistré l’activité de centaines de neurones actifs simultanément, ont démontré un codage de population robuste et ont exploré la dynamique de base de la population à l’aide de nouvelles méthodes statistiques. Ils ont enregistré les réponses de 1 814 neurones individuels dans le cortex préfrontal latéral du macaque et ont constaté que la kétamine réduisait la sélectivité de leur réponse à des emplacements mémorisés. Au niveau de la population, ils ont constaté que la kétamine réduisait la quantité d’informations que les neurones contenaient sur les emplacements mémorisés après un essai unique et ont montré que cette perte d’informations était causée par la sélectivité spatiale réduite des neurones. La perte d’accord et de contenu d’information était liée à des effets différents de la kétamine sur deux catégories de neurones : les cellules à pic étroites (interneurones putatifs) et les neurones à pic larges (cellules pyramidales putatives). La kétamine a réduit l’activité des neurones à pic étroits pour leurs emplacements préférés et a augmenté l’activité des neurones à pic larges pour leurs emplacements précédemment non préférés. Cela suggère que la perte de sélectivité spatiale et les déficits ultérieurs de la mémoire de travail sont dus à la désinhibition des cellules pyramidales.

Cette publication a de vastes implications. Elle met en évidence un mécanisme possible qui sous-tend les déficits cognitifs chez les personnes atteintes de schizophrénie et de psychoses associées. Les représentations mentales n’ont pas été abolies par la kétamine, mais elles sont devenues moins précises ou déformées et le recours à des représentations déformées peut provoquer des aberrations perceptives comme les hallucinations.

La kétamine continue également à gagner en popularité pour le traitement d’affections telles que la dépression. Cette étude montre que la kétamine augmente le niveau d’activité de certains types de neurones (par exemple, les cellules excitatrices), ce qui pourrait être lié aux propriétés thérapeutiques de la kétamine. Néanmoins, ces résultats appellent à une évaluation minutieuse de l’impact de la kétamine administrée de manière thérapeutique sur la cognition médiée par le cortex préfrontal. En effet, le superviseur de la recherche de Megan Roussy, le Dr Palaniyappan, a présenté ces données à des réseaux locaux de cliniciens afin d’informer la politique et les meilleures pratiques entourant le développement de cliniques de kétamine IV, en plus de ces résultats largement partagés dans la communauté scientifique par le biais de présentations, de publications et de médias sociaux.

Megan Roussy

Ce travail fait partie de la recherche doctorale de Megan Roussy à l’Université de Western Ontario, dans le laboratoire du Dr Julio Martinez-Trujillo. Avec son directeur de recherche, Megan Roussy a conçu le projet. Elle a créé la tâche et l’environnement de la tâche à l’aide d’un logiciel de développement de jeux vidéo et a entraîné deux macaques rhésus à effectuer la tâche. Elle a participé au développement d’un nouveau matériel d’enregistrement, a planifié la procédure chirurgicale et a participé à l’implantation chirurgicale du matériel d’enregistrement et des électrodes. Elle a collecté les données et a dirigé tous les aspects de la rédaction du manuscrit avec les conseils de son directeur de recherche.

Sources de financement :

IRSC, CRSNG, Jonathan & Joshua Memorial Graduate Scholarship, et NeuroNex (National Science Foundation).