La mastication, la respiration, la marche et bien d’autres fonctions corporelles n’exigent aucune «réflexion» de notre part, mais sont tout de même contrôlées par le cerveau. Le traitement cérébral de ces fonctions intéresse grandement les scientifiques.
L’équipe d’Arlette Kolta, professeure à la Faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal, a démontré que les astrocytes, des cellules gliales en forme d’étoiles présentes dans le cerveau, jouent un rôle important en ce sens.
Les cellules gliales ne sont pas des neurones. Les scientifiques ont longtemps cru que leur rôle principal se limitait à assurer un soutien aux neurones. Les conclusions des travaux de l’équipe de Mme Kolta contribuent à remettre en cause ce point de vue et ce que l’on sait sur le fonctionnement du cerveau.
Cet organe compte des milliards de cellules, et toutes les fonctions cérébrales reposent sur la capacité des neurones de communiquer entre eux. Cet échange se fait au moyen de signaux électriques, dans lesquels est codé le message que les neurones se transmettent d’un à l’autre.
«Selon le point de vue qui prévaut actuellement, et qui accorde aux neurones un rôle central, les changements dans l’activité électrique neuronale dépendent seulement des propriétés intrinsèques des neurones et de l’information qu’ils se transmettent. Or, nos résultats démontrent que les cellules gliales contribuent grandement au contrôle de l’activité électrique des neurones et, par conséquent, aux fonctions neuronales», indique Mme Kolta.
«Dans ce circuit sensori-moteur, nous avons découvert un mécanisme de régulation de la concentration de calcium extracellulaire par les astrocytes, qui déterminent ainsi l’activité électrique des neurones environnants. Nous croyons que les neurones trigéminaux que nous avons observés remplissent une fonction double, selon l’activité électrique, qui peut être tonique ou phasique», explique Philippe Morquette, premier auteur de l’étude.
L’activité tonique ressemble à ce que nous entendons lorsque nous décrochons le téléphone : la connexion continue entre les différentes parties du système. Alors que l’activité phasique serait plutôt comparable à la sonnerie qui se fait entendre une fois le numéro composé.
En mode tonique, les neurones transmettent fidèlement aux autres neurones l’information qu’ils reçoivent par les afférences sensorielles, soit les voies par lesquelles l’information sensorielle se rend au cerveau et au système nerveux. En mode phasique, ils génèrent une commande motrice rythmique, par exemple celle à l’origine d’un mouvement répétitif comme la mastication.
«Le mode phasique dépend de l’activation d’un courant qui est modulé par la concentration en calcium dans le milieu extracellulaire. Nous avons démontré que les astrocytes sont à l’origine du passage d’un mode à l’autre et donc vraisemblablement d’une fonction à une autre. Ce changement de mode ne peut se produire lorsque les astrocytes sont “inactivés” ou que le mécanisme décrit est bloqué. Ce mécanisme repose sur une protéine qui se lie au calcium et qui est libérée uniquement par les astrocytes», ajoute Mr Morquette.
Ces conclusions ont une très grande importance, et ne permettent pas seulement de mieux comprendre la mastication. «Les mécanismes engagés participent à un large éventail de fonctions cérébrales. Ils sont à l’origine d’autres mouvements répétitifs essentiels, par exemple pour la locomotion et la respiration. Ils se mettent en place dans le cortex, l’hippocampe et ailleurs. De plus, ils sont associés à de nombreuses fonctions importantes, comme celles permettant l’attention, l’apprentissage et la mémoire. Enfin, il est bien connu que les astrocytes sont suractivés dans des situations pathologiques associées à une hausse de la décharge phasique, comme lors d’une crise d’épilepsie par exemple. Nous croyons aussi que le mécanisme décrit intervient dans ces situations», affirme Mme Kolta.
À propos de cette étude
Philippe Morquette, Dorly Verdier, Aklesso Kadala, James Féthière, Antony G Philippe, Richard Robitaille et Arlette Kolta ont publié l’article An astrocyte-dependent mechanism for neuronal rhythmogenesis dans Nature Neuroscience, le 4 mai 2015. Mme Kolta et M. Morquette sont affiliés au Département de neurosciences et au Groupe de recherche sur le système nerveux central de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. Mme Kolta est aussi affiliée à la Faculté de médecine dentaire de l’Université et au Réseau de recherche en santé buccodentaire et osseuse du Fonds de recherche Québec – Santé. L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (subvention 14392).
Source du texte: Université de Montréal
Article de recherche original:
Morquette P, Verdier D, Kadala A, Féthière J, Philippe AG, Robitaille R, Kolta
A. An astrocyte-dependent mechanism for neuronal rhythmogenesis. Nat Neurosci. 2015 Jun;18(6):844-54. doi: 10.1038/nn.4013. Epub 2015 May 4.