Rôle de l’alimentation dans le contrôle de l’épilepsie
Une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université McGill et de l’Université de Zurich a démontré l’existence d’un lien direct entre le métabolisme des cellules cérébrales et leur capacité à transmettre de l’information. Les conclusions de cette étude pourraient expliquer pourquoi l’adoption d’un régime alimentaire spécial permet de maîtriser les crises épileptiques chez de nombreux patients.
Dans un article publié dans le numéro du 16 janvier 2014 de la revue spécialisée Nature Communications, les auteurs révèlent que le métabolisme régit les processus qui inhibent l’activité cérébrale, notamment ceux qui interviennent dans les crises convulsives. Les chercheurs ont découvert un lien entre la façon dont les cellules cérébrales génèrent de l’énergie et transmettent de l’information – des processus que de nombreux neuroscientifiques croyaient distincts et indépendants.
« L’inhibition de l’activité cérébrale est un phénomène ciblé couramment en pratique clinique », affirme Derek Bowie, titulaire de la chaire de recherche du Canada en pharmacologie des récepteurs à l’Université McGill et auteur-ressource de l’étude. « Ainsi, les médicaments qui soulagent l’anxiété, induisent l’anesthésie ou même maîtrisent l’épilepsie agissent en renforçant l’inhibition cérébrale. Ces approches pharmacologiques peuvent toutefois présenter des inconvénients, de nombreux patients se plaignant notamment d’effets indésirables. »
Des travaux de recherche ont permis d’observer un lien insoupçonné entre la façon dont les mitochondries des cellules cérébrales génèrent de l’énergie et celle dont elles transmettent de l’information. Les cellules cérébrales font un lien entre ces deux fonctions en ayant recours à de petits messagers chimiques appelés « espèces réactives de l’oxygène » (ERO), généralement associés aux signaux de mort cellulaire. Si les ERO sont connues pour leur rôle dans les maladies du vieillissement, comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson, cette nouvelle étude a montré qu’elles jouent également un rôle important dans le cerveau en santé.
Ces résultats sont le fruit d’un partenariat entre le laboratoire du professeur Bowie, au Département de pharmacologie et de thérapeutique de l’Université McGill, et d’une équipe de recherche dirigée par le professeur Jean-Marc Fritschy, professeur de pharmacologie à l’Université de Zurich et directeur du Neuroscience Center Zurich (ZNZ). À plus long terme, les chercheurs tenteront de comprendre pourquoi les crises épileptiques de nombreux patients — particulièrement les jeunes enfants — peuvent être maîtrisées par l’adoption d’un régime alimentaire riche en lipides et faible en glucides appelé « régime cétogène ».
Les Grecs de l’Antiquité avaient déjà remarqué, pendant les périodes de jeûne, que des modifications du régime alimentaire permettaient de maîtriser les crises épileptiques. Au cours des années 1920 jusqu’aux années 1950, le régime cétogène a été largement utilisé pour traiter l’épilepsie. Avec l’arrivée des anticonvulsivants, l’approche diététique a toutefois été délaissée par les médecins. Or, comme l’approche pharmacologique est inefficace chez 20 à 30 % des patients, le régime cétonique a connu un regain de popularité.
« Notre étude ayant démontré que les cellules cérébrales disposent de leurs propres moyens pour renforcer l’inhibition », explique le professeur Bowie, « notre travail pourrait ouvrir la voie à de nouvelles façons de maîtriser de nombreuses affections neurologiques graves, y compris l’épilepsie. »
Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds national suisse de la recherche scientifique, le partenariat entre Le cerveau@McGill et le Centre des neurosciences de Zurich, la Fondation Savoy et le Fonds de la recherche en santé du Québec.
Source du texte: McGill University
Article de recherche original: Accardi MV, Daniels BA, Brown PM, Fritschy JM, Tyagarajan SK, Bowie D. Mitochondrial reactive oxygen species regulate the strength of inhibitory GABA-mediated synaptic transmission. Nat Commun. 2014 Jan 16;5:3168.