Les interactions sociales favorisent-elles l’apprentissage ?

L’acquisition d’une langue est un processus difficile. Une des meilleures façons de réussir est d’engager un tuteur. Cette méthode permet l’apprentissage direct et limite les distractions. Habituellement, le tuteur est un expert dans la langue en question. Mais, pour ce qui est de l’apprentissage de la langue maternelle, le tuteur le plus utile s’avère être le parent d’un enfant.

Les bébés commencent à apprendre leur langue maternelle avant la naissance en acquérant une perspective sur la phonétique. Ensuite, ils comptent sur leurs parents pour leur fournir une variété de leçons pour améliorer leur capacité à communiquer. Cependant, toutes les méthodes ne sont pas efficaces et plusieurs paramètres tels que la fréquence, l’amplitude et le moment de la parole sont essentiels pour déterminer si l’enfant écoutera le langage, et en apprendra éventuellement les sons.

Une équipe de chercheurs de l’Université McGill dirigée par le Dr Jon Sakata a publié une étude dans Proceedings of the National Academy of Sciences montrant comment et pourquoi l’apprentissage vocal est fortement influencé par un tutorat individualisé, face à face. Ils ont fait cette démonstration chez le pinson diamant mandarin, qui présente des similitudes remarquables aux humains en termes d’apprentissage vocal.

Le processus expérimental était le suivant : de jeunes pinsons âgés d’environ 6 semaines étaient placés dans l’une de deux situations. La première, dite de tutorat social, impliquait de placer les oiseaux dans une cage à côté d’une autre cage contenant un mâle adulte («tuteur»). La seconde, dite de tutorat passif, se déroulait dans une boîte insonorisée et l’exposition aux chansons se produisait à l’aide d’un haut-parleur. L’expérience d’apprentissage avait lieu sur cinq jours après lesquels les oiseaux étaient logés individuellement pendant au moins deux mois pour permettre à leurs chansons de se développer. Les auteurs ont constaté que les chants adultes de jeunes ayant connu le tutorat social étaient plus semblables aux chansons de leur tuteur que celles des jeunes qui ont connu le tutorat passif, indiquant que le tutorat social était plus efficace. De plus, ils ont trouvé une relation très étroite entre l’attention et l’apprentissage des chansons; Les jeunes qui étaient plus attentifs aux chansons de leurs tuteurs avaient un apprentissage nettement meilleur.

Un autre résultat intéressant de portait sur l’attention. Les tuteurs dirigeaient parfois leurs chansons vers les juvéniles, mais pas toujours.  Les élèves, à leur tour, semblaient discerner entre les deux types de chanson. En particulier, ils accordaient plus d’attention aux chansons qui leur étaient destinées. Les auteurs ont trouvé que des notes introductives étaient produites plus fréquemment pendant les chansons dirigées.  D’un certain sens, les tuteurs semblaient inciter les élèves à faire attention. En outre, les sections de leçon, connues sous le nom de motifs, étaient plus espacés, donnant aux jeunes oiseaux l’occasion de les traiter et de les apprendre. En termes humains, ce ralentissement correspond au langage plus lent des adultes lorsqu’ils enseignent aux enfants. L’observation finale a été un changement dans le ton des chansons des tuteurs, qui était plus grave lorsque les tuteurs chantaient aux élèves.  Cet observation reflète également le comportement humain, bien que dans notre cas, le ton devient habituellement plus aigü quand nous parlons aux enfants.

Le groupe voulait savoir si leurs observations étaient uniques au tutorat. Ils ont mené la même expérience avec une seule différence. Au lieu des juvéniles, des femelles adultes étaient les membres de l’audience. Les Dans cette situation, les mâles ont produit plus de notes d’introduction, ce qui visait à attirer l’attention de la femelle.  Mais quand ils chantaient des motifs, ils le faisait sans ralentissement, contrairement à leur comportement avec les jeunes.

Les auteurs ont ensuite étudié si le tutorat social avait des effets au niveau neurobiologique. Pour ce faire, ils ont soumis des oiseaux au tutorat, mais seulement pour quelques heures. L’équipe a ensuite examiné les cerveaux de ces étudiants dans l’espoir de voir une différence dans un facteur cellulaire particulier connue sous le nom Early Growth Response Protein 1 (EGR-1). La protéine est impliquée dans le contrôle de la chanson et l’apprentissage chez les pinsons et pourrait également être importante dans la mémoire de reconnaissance chez les humains. Pour les auteurs, EGR-1 était le marqueur parfait pour suivre les progrès de l’éducation.

L’équipe a été particulièrement intéressée à regarder les neurones dans certaines parties du cerveau qui contrôlent l’attention puisque l’attention et l’apprentissage sont étroitement liés. Ils ont donc examiné l’expression d’EGR-1 dans les neurones du locus coeruleus, qui est responsable de l’attention, et dans la région tegmentale ventrale, qui est impliquée dans la récompense. Comme on pouvait s’y attendre, les juvéniles ayant un tutorat social avaient un niveau significativement plus élevé d’expression de l’EGR-1 dans les neurones des deux régions comparativement aux oiseaux qui recevaient un tutorat passif, ou aucun tutorat.

Cette étude offre une explication à l’importance de l’interaction sociale pour l’apprentissage d’une langue. En ayant un tuteur qui concentre ses efforts pour aider l’étudiant, le cerveau est activé de telle manière qu’il peut être en mesure d’acquérir et de conserver plus de connaissances. Cette étude montre pourquoi un tuteur est plus efficace que des dictionnaires, des manuels et des logiciels informatiques.

Article de recherche original:

Chen Y, Matheson LE, Sakata JT. Mechanisms underlying the social enhancement of vocal learning in songbirds. Proc Natl Acad Sci U S A. 2016 Jun 14;113(24):6641-6. doi: 10.1073/pnas.1522306113. Epub 2016 May 31.

http://www.pnas.org/content/113/24/6641.abstract