D’importantes améliorations dans la santé globale des Canadiens au cours des dernières décennies sont attribuables à la recherche scientifique fondamentale. La recherche mène à des découvertes médicales qui améliorent la santé et le bien-être en plus de fournir des opportunités économiques pour notre pays. Cependant, d’importants défis subsistent. Par exemple, on estime qu’un Canadien sur trois sera touché par un trouble neurologique, une blessure ou une maladie psychiatrique au cours de sa vie, faisant des maladies du cerveau l’une des principales causes d’invalidité au pays. Un investissement accru dans la recherche sur le cerveau permettra d’accélérer la découverte de stratégies de traitement et de prévention nouvelles destinées à réduire le fardeau de la maladie pour les individus, mais aussi pour la société dans son ensemble.
Le soutien du gouvernement est essentiel à la vitalité de la recherche, dans tous les domaines scientifiques. Cependant, en tant que représentants de la plus importante association de neuroscientifiques au pays, nous parlons spécifiquement de l’importance du financement public de la recherche en neurosciences pour la santé et le bien-être de tous les Canadiens. Un soutien financier plus important pour des projets de recherche indépendants, initiés par les chercheurs, tels que ceux octroyés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et par le Fonds de recherche sur le cerveau du Canada par l’entremise de Neuro Canada, doit être une priorité pour le prochain gouvernement canadien.
Les chercheurs sont inquiets. Ils craignent de ne pas avoir les fonds nécessaires pour poursuivre des recherches importantes ayant pour but de comprendre le fonctionnement du cerveau. Le soutien à ces études est essentiel pour le développement de nouvelles thérapies pour traiter les troubles du cerveau. Le financement du premier organisme subventionnaire au pays, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), est demeuré inchangé depuis 2008, malgré l’inflation et la hausse des coûts de la recherche. Un récent sondage effectué parmi les membres de notre association, l’Association canadienne des neurosciences (http://can-acn.org/), révèle que 69% des neuroscientifiques canadiens croient que leurs chances de recevoir un financement stable suffisant pour leur recherche des IRSC diminuent.
Ne pas réinvestir dans la recherche aujourd’hui pourrait avoir des répercussions à long terme. L’excellence et la réputation des laboratoires de neurosciences existants au Canada ont été construites par des années d’effort, d’innovation et d’engagement. Une communauté scientifique forte attire de nouveaux jeunes chercheurs qui excellent à leur tour, renforçant ainsi la position du Canada dans la communauté scientifique mondiale. La perte de laboratoires par manque de financement adéquat a des effets à long terme qui ne peuvent pas simplement être atténués en augmentant le financement à une date ultérieure.
Pendant que les chercheurs canadiens sont confrontés à une baisse des taux de financement, aux États-Unis, les démocrates et les républicains soutiennent l’appel à un doublement du budget des National Institutes of Health (NIH). Newt Gingrich, ancien président de la Chambre américaine des représentants, a fait valoir, à juste titre, que le gouvernement est l’entité qui doit assumer les coûts de la maladie. « Il est irresponsable et il s’agit d’un manque de vision et de prudence que de laisser diminuerle financement de la recherche fondamentale. Nous sommes à une époque de progrès scientifique et technologique inimaginables. En finançant la recherche médicale de base, le Congrès peut transformer notre santé financière ainsi que notre santé personnelle. » Une augmentation des investissements en recherche pour prévenir les maladies est logique d’un point de vue économique des deux côtés de la frontière. L’augmentation du budget des Instituts de recherche en santé du Canada, qui soutiennent la recherche en santé dans ce pays, est l’un des meilleurs investissements que le prochain gouvernement canadien élu puisse faire.
L’augmentation des investissements dans la recherche scientifique est également profitable pour l’économie, puisque l’innovation entraîne avec elle la croissance économique. Un laboratoire de recherche, même petit, est un lieu qui forme et emploie des professionnels hautement qualifiés qui contribuent à l’avancement de notre société et de l’économie. Les découvertes nouvelles faites par des chercheurs à l’esprit ouvert, faisant preuve d’initiative et de curiosité, peuvent avoir des ramifications imprévues. Souvent, les idées les plus novatrices viennent d’endroits improbables.
Un exemple probant: l’optogénétique, qui est une technologie qui permis d’importantes percées en recherche sur le cerveau. L’optogénétique utilise des pompes moléculaires activées par la lumière, qui ont été découvertes dans des algues vivant dans des marais salés, et qui peuvent être utilisées pour activer ou inhiber de manière spécifique des cellules du cerveau afin de mieux comprendre comment les circuits cérébraux sont connectés et comment ces circuits modulent le comportement. Cette technologie présente un potentiel énorme pour le développement de nouveaux traitement pour les nombreux troubles dévastateurs qui se produisent lorsque les circuits se dérèglent, comme dans la maladie d’Alzheimer, la dépression ou les lésions cérébrales traumatiques. L’identification des protéines activées par la lumière qui sont essentielles pour cette percée technologique n’aurait pas eu lieu si des biologistes ne s’étaient pas intéressés aux formes de vie microscopiques qui vivent dans l’eau extrêmement salée. Ces chercheurs étaient motivés par la curiosité de savoir comment ces algues survivent.
Bien que nous ne sachions pas d’où la prochaine découverte révolutionnaire viendra, nous savons que nous devons fournir les bonnes conditions et l’environnement permettant de soutenir cet important processus. Le Canada a maintes fois démontré qu’il possède l’expertise et l’ingéniosité pour demeurer un leader dans la recherche sur le cerveau. Cependant, la situation actuelle, où l’obtention de financement est très difficile, pourrait conduire à la fermeture de nombreux laboratoires universitaires, soit en raison d’un manque de financement adéquat pour soutenir la recherche, ou en raison de la perte de certains de nos meilleurs scientifiques, qui quitteront vers des pays qui offrent un financement plus stable. L’augmentation des investissements dans la recherche au Canada permettra d’assurer que nos chercheurs aient la liberté et les fonds nécessaires pour faire les découvertes qui profiteront à tous les Canadiens.
Douglas P Munoz, président, pour le Comité exécutif de l’Association canadienne des neurosciences