L’apprentissage précoce de la musique accentue le développement du cerveau

Dr. Virginia Penhune
Dr. Virginia Penhune

Les cours de musique avant l’âge de 7 ans renforcent les connexions cérébrales, observent des chercheurs montréalais

 Si vous avez commencé des leçons de piano en première année ou joué de la flûte à bec à la maternelle, vous devez une fière chandelle à vos parents et enseignants. En effet, que vous ayez adoré ou détesté cette expérience, elle a contribué au
développement de votre cerveau.

Une étude publiée le mois dernier dans la revue Journal of Neuroscience indique que la formation musicale avant l’âge de 7 ans exerce une influence considérable sur le développement du cerveau. Ses auteurs ont en effet noté que les sujets ayant été initiés à la musique dès leur plus tendre enfance présentaient des connexions plus fortes entre les régions motrices de leur cerveau. Or, ce sont ces régions qui nous aident à planifier et à exécuter nos mouvements.

Le projet a été mené par des étudiants au laboratoire de la chercheuse Virginia Penhune, du Département de psychologie de l’Université Concordia, en collaboration avec Robert J. Zatorre, de l’unité de recherche en neuropsychologie de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal de l’Université McGill.

Les auteurs de l’étude en concluent avec un degré élevé de certitude que la période de 6 à 8 ans constitue une phase sensible où la formation musicale agit sur le
développement cérébral et modifie durablement les habiletés motrices ainsi que la structure du cerveau. « Apprendre à jouer d’un instrument exige la coordination des mains avec des
stimuli visuels ou auditifs, explique la Pre Penhune. La pratique d’un instrument avant l’âge de 7 ans stimule sans doute la maturation normale des connexions entre les régions
motrices et sensorielles du cerveau, élaborant un cadre que la poursuite de la formation vient consolider. »

Avec l’aide des coauteurs Christopher J. Steele et Jennifer A. Bailey, ils ont fait subir à 36 musiciens adultes une épreuve motrice ainsi qu’une scintigraphie cérébrale. La moitié de ces sujets avaient entamé leur formation musicale avant 7 ans, et les autres, après cet âge. Cependant, les deux groupes possédaient le même nombre d’années de formation et d’expérience musicales. Leurs résultats ont également été comparés à ceux de sujets ne possédant pas de formation structurée en musique.

L’épreuve de motricité consistait à évaluer la capacité des sujets à exécuter une séquence apprise de mouvements dont la combinaison devait produire une action uniforme et efficace. Elle a révélé que les musiciens précoces jouissaient d’un synchronisme supérieur, et ce même après deux jours de pratique. Quant à l’analyse de la structure du cerveau, elle a permis d’observer chez les musiciens précoces un accroissement de la substance blanche du
corps calleux. Ce corps, qui consiste en un faisceau de fibres nerveuses, relie les régions motrices droite et gauche du cerveau. Par ailleurs, et il s’agit là de l’observation la plus remarquable des chercheurs, plus l’initiation à la musique débute tôt dans la vie, plus cette connectivité est importante.

Fait intéressant, les scintigrammes cérébraux ne permettaient pas de déceler de différences entre les non-musiciens et les musiciens ayant entrepris leur formation plus tard dans la vie. Il semble donc que les effets postulés sur le développement du cerveau surviennent tôt ou n’ont tout simplement pas lieu. Par ailleurs, l’épreuve motrice n’étant pas de nature musicale, on peut également conclure que les bienfaits d’un apprentissage précoce de la musique ne se limitent pas à la simple capacité à jouer d’un instrument.

« Notre étude est très porteuse, car elle établit que la formation est plus efficace en bas âge en raison de la plus grande sensibilité aux changements de certains aspects de l’anatomie cérébrale durant cette période », affirme le Pr Zatorre, chercheur à l’Institut neurologique de Montréal et codirecteur de BRAMS, Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son.

« Les musiciens aux débuts précoces présentent des habiletés spécifiques et des différences physiologiques connexes, soutient la Pre Penhune, qui est également membre du Centre de recherche en développement humain. Il faut toutefois souligner que ces caractéristiques n’en font pas nécessairement de meilleurs musiciens. En effet, la performance musicale ne tient pas uniquement à la technique, mais aussi à la communication, à l’enthousiasme, au style et à bien d’autres facteurs impossibles à mesurer. Ainsi, commencer tôt vous aide certes à exprimer votre talent, mais cela ne fera probablement pas de vous un
génie. »

Liens connexes

Institut et hôpital neurologiques de Montréal – Le Neuro : http://www.leneuro.com  

Département de psychologie de l’Université Concordia : http://psychology.concordia.ca/

Centre de recherche en développement humain : http://crdh.concordia.ca/homee.html

Laboratoire de recherche sur l’apprentissage moteur et la neuroplasticité :
http://www-psychology.concordia.ca/fac/penhune/

Laboratoire international de recherche sur le Cerveau, la Musique et le Son
http://www.brams.org/

Source du texte: Institut et hôpital neurologique de Montréal
Source de l’image: Université Concordia
Référence: Steele CJ, Bailey JA, Zatorre RJ, Penhune VB. Early musical training and white-matter plasticity in the corpus callosum: evidence for a sensitive period.
J Neurosci. 2013 Jan 16;33(3):1282-90.