Une nouvelle étude de l’Université de Montréal établit un lien entre une infection et la maladie de Parkinson.
Une nouvelle étude publiée aujourd’hui dans la revue scientifique Nature montre qu’une infection intestinale peut mener à une pathologie semblable à la maladie de Parkinson chez la souris, laquelle est dépourvue de l’un des gènes liés à la maladie chez l’homme. Cette découverte vient dans la foulée de récents travaux du même groupe de chercheurs suggérant que la maladie comporte une composante immunitaire importante, ouvrant la porte à de nouvelles stratégies thérapeutiques. L’étude résulte du travail d’une équipe de scientifiques dirigée par les chercheurs Michel Desjardins et Louis-Éric Trudeau de l’Université de Montréal, Heidi McBride de l’Institut neurologique de Montréal et Samantha Gruenheid de l’Université McGill.
La maladie de Parkinson est une maladie neurodégénérative incurable qui touche environ 85 000 personnes au Canada. Compte tenu de la croissance et du vieillissement de la population, on estime que le nombre de Canadiens atteints doublera entre 2011 et 2031. Aux États-Unis seulement, on prévoit que la maladie de Parkinson touchera plus de 1,2 million d’individus d’ici 2030.
Le nombre de patients atteints de la maladie de Parkinson dans le monde a plus que doublé entre 1990 et 2016, passant de 2,5 à 6,1 millions de patients. Des projections de données conservatrices indiquent que le nombre de patients doublera à nouveau d’ici à 2050.
Environ 10 % des cas de la maladie de Parkinson sont attribuables à des mutations génétiques affectant des protéines telles que PINK1 et Parkin, qui sont associées aux mitochondries (le principal organite produisant l’énergie des cellules du corps). Les patients présentant ces mutations développent plus précocement la maladie. Fait à noter, ces mutations ne produisent pas de symptômes chez la souris, ce qui mène de nombreux chercheurs à déduire que la souris pourrait ne pas être un animal idéal pour modéliser la maladie de Parkinson.
Les chercheurs Louis-Eric Trudeau et Heidi McBride, spécialistes de la maladie de Parkinson, font valoir que les résultats de cette nouvelle étude peuvent expliquer cette disparité. En effet, les souris de laboratoire sont normalement maintenues dans des installations exemptes de germes, donc dans des conditions qui ne sont pas représentatives de celles des humains, qui sont constamment exposés à des microorganismes infectieux. La microbiologiste Samantha Gruenheid croit que la découverte du lien entre le Parkinson et une infection intestinale permettra d’étudier plus en profondeur la réponse immunitaire liée au déclenchement de la maladie, et d’évaluer ainsi des approches thérapeutiques novatrices.
Pourquoi les neurones dopaminergiques meurent-ils, déclenchant ainsi les symptômes de la maladie?
La maladie de Parkinson est causée par la mort progressive des neurones dopaminergiques, un sous-ensemble de neurones cérébraux. Cette perte de neurones est à l’origine des symptômes moteurs typiques observés chez les patients atteints de la maladie de Parkinson, notamment les tremblements et la rigidité. On ignore toujours ce qui cause la mort des neurones dopaminergiques.
Selon Louis-Éric Trudeau, professeur au Département de pharmacologie et physiologie de l’UdeM, « la plupart des modèles actuels de maladie de Parkinson sont fondés sur la croyance que les neurones meurent en raison d’une accumulation interne d’éléments toxiques. Cependant, cela n’explique pas que la pathologie de la maladie se déclenche chez les patients plusieurs années avant l’apparition de symptômes moteurs et toute perte perceptible de neurones. »
La présente étude propose une explication pour ce phénomène. L’équipe de Montréal a démontré qu’une infection intestinale sans gravité chez de jeunes souris dépourvues de l’un des gènes liés à la maladie de Parkinson était suffisante pour déclencher des symptômes moteurs chez ces souris à l’âge adulte. De façon remarquable, ces symptômes disparaissaient temporairement en réponse à l’administration de lévodopa, un médicament prescrit pour traiter les patients atteints de la maladie de Parkinson, établissant un lien direct avec la maladie.
Michel Desjardins, professeur au Département de pathologie et biologie cellulaire de l’UdeM et l’immunologiste Diana Matheoud, chercheuse au Centre de recherche du CHUM, soulignent qu’une réponse immunitaire efficace est déclenchée chez la souris normale. Cependant, le système immunitaire des souris mutantes pour le gène PINK1 (qu’on associe à la maladie de Parkinson) a réagi de façon excessive, déclenchant une réaction auto-immune durant laquelle le système immunitaire s’est attaqué à des cellules saines de l’organisme. Les résultats publiés aujourd’hui suggèrent que les neurones dopaminergiques ne meurent donc pas en raison d’une accumulation de toxines, mais seraient plutôt détruits par le système immunitaire.
En effet, l’étude démontre que les cerveaux des souris mutantes infectées présentaient des lymphocytes T toxiques et autoréactifs qui peuvent attaquer les neurones sains lorsque cultivés dans des boîtes de Pétri. Les deux premiers auteurs de l’article, Diana Matheoud et Tyler Cannon, étudiant à l’Université McGill, soulignent que ces résultats suggèrent fortement que certaines formes de la maladie de Parkinson sont auto-immunes et susceptibles de prendre source dans l’intestin plusieurs années avant les premiers symptômes moteurs perceptibles. Cela propose l’existence d’une période propice au traitement préventif.
À propos de cette étude
Cette découverte est le fruit du travail d’une équipe de chercheurs de diverses disciplines, soit la microbiologie, l’immunologie, la neurobiologie et la biologie cellulaire. Une approche pluridisciplinaire est nécessaire pour étudier et vaincre une maladie aussi complexe et dévastatrice. L’étude a été rendue possible grâce aux Instituts de recherche en santé du Canada, aux fondations Brain Canada et Krembil, ainsi qu’à la fondation Michael J. Fox pour la recherche sur le Parkinson.