La maladie d’Alzheimer croit à un rythme sans précédent au Canada. À l’heure actuelle, plus d’un demi-million de personnes souffrent de cette condition invalidante, mais ce nombre devrait presque doubler dans la prochaine génération. Les effets de cette maladie sont tragiques, incluant des pertes de mémoire, mais aussi des changements de comportement, de jugement, et dans le fonctionnement quotidien. Pour cette raison, la compréhension et le traitement de cette maladie sont considérés prioritaires.
À mesure que la maladie d’Alzheimer progresse, une protéine, appelée amyloïde-β, s’accumule et s’agglomère dans le cerveau, formant ce qu’on appelle officiellement des plaques. Quand ceci se produit, le paysage neurologique change, et les neurones commencent à mourir. Malgré des décennies de recherche, le mécanisme derrière cette perte reste un mystère.
Au fil des ans, les chercheurs ont examiné de plus près l’amyloïde-β et ont révélé certains signes d’alerte potentiels. Différents types de cellules, incluant les neurones, les microglies et les astrocytes, semblent agir différemment près d’une plaque. Ils semblent généralement hyperactifs, ce qui suggère que le microenvironnement autour de la plaque pourrait être toxique. Mais la démonstration que ceci contribue à la mort des neurones n’a pas encore été faite.
Une équipe de l’Université de la Colombie-Britannique dirigée par le Dr Brian MacVicar pourrait détenir cette preuve. Son équipe s’est aventurée dans la zone autour de plaques d’amyloïde-β à la recherche de mécanismes responsables de la mort cellulaire. Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Communications, révèlent qu’une molécule particulière, nommée transporteur de glutamate-1, ou GLT-1, pourrait être la clé. Encore mieux, cette molécule pourrait être ciblée en utilisant déjà des médicaments approuvés.
L’équipe a travaillé avec un type spécial de souris, appelé APPPS1, un nom qui vient d’abréviations pour la protéine précurseur amyloïde et la presenilin-1 humaine mutante. Cette souris est unique car elle produit des formes humaines des composants nécessaires pour former l’amyloïde β. À mesure que l’animal vieillit, une progression similaire à la maladie d’Alzheimer se produit, permettant aux chercheurs de suivre la dynamique moléculaire de la maladie.
Les souris ont été injectées avec une molécule appelée iGluSnFR, qui est un détecteur qui réagit à la présence du neurotransmetteur glutamate en produisant de la fluorescence. Quand la molécule rencontre le glutamate, elle brille. Les souris ont ensuite été observées en utilisant un microscope spécialisé, qui a été conçu pour suivre les changements des niveaux de glutamate en temps réel. Le choix du glutamate comme marqueur n’était pas aléatoire. Depuis plus de dix ans, les scientifiques savent que le mouvement de glutamate dans le cerveau est un indicateur important de la santé cellulaire. Il se déplace de l’intérieur à l’extérieur des cellules selon un rythme régulier. La clé de cette dynamique est le transporteur de glutamate, GLT-1. Lorsque les cellules du cerveau sont en bonne santé, GLT-1 est présent en abondance. Cependant, quand il disparaît, le glutamate ne bouge plus. C’est un mauvais signe pour la cellule, car la mort suit inévitablement. La perte de GLT-1 dans les cellules proches de l’amyloïde β confirmerait que les cellules de cette région sont destinées à mourir.
Comme prévu, lorsque les tests ont été effectués, les cellules autour de ces dépôts amyloïdes-β avaient moins d’activité GLT-1. Cela signifiait que les cellules dans la région souffraient d’un environnement toxique et que les neurones finiraient par subir une mort prématurée. Pour les chercheurs, cela a aidé à prouver que l’amyloïde-β était en effet toxique et causait la mort cellulaire. Pourtant, cette preuve ne représentait que la première étape. La prochaine était de tenter de restaurer les niveaux de GLT-1 dans l’espoir de contrer les effets de l’amyloïde-β. Pour ce faire, ils ont pris une approche ayant fait ses preuves depuis dix ans pour protéger le cerveau. Ils ont utilisé des antibiotiques.
Bien que la plupart des gens considèrent les antibiotiques uniquement comme des tueurs de bactéries, ces produits chimiques ont également la capacité de changer la dynamique de nos systèmes corporels. Un médicament particulier, la ceftriaxone, peut à lui seul augmenter les niveaux de GLT-1 dans le système nerveux. Pour l’équipe de MacVicar, ceci offrait une opportunité parfaite de voir s’ils pouvaient inverser les effets de l’amyloïde-β. Lorsque les souris ont été traitées avec l’antibiotique, les résultats ont été remarquables. Le médicament a fait exactement comme prévu et a causé une augmentation des niveaux de GLT-1. Les effets toxiques de la zone ont aussi diminué. Le glutamate est revenu à sa dynamique habituelle et les cellules ont eu un certain répit de l’environnement toxique, au moins pendant un court laps de temps.
Ces résultats fournissent un lien réel entre la formation de plaques d’amyloïde-β et la mort cellulaire dans la région environnante. Comme prévu, la clé de cette étude a été GLT-1, suggérant que cette protéine devrait être considérée comme une priorité dans la compréhension de la progression de la maladie. Cette découverte offre un nouvel espoir de traitement. Bien que la ceftriaxone ne soit pas actuellement utilisée pour l’Alzheimer, son potentiel est important. Elle n’éliminerait pas la maladie, mais pourrait mener à de nouvelles stratégies de gestion des symptômes pour aider les centaines de milliers de Canadiens souffrant de cette maladie.
Article de recherche original:
Hefendehl JK, LeDue J, Ko RW, Mahler J, Murphy TH, MacVicar BA. Mapping synaptic glutamate transporter dysfunction in vivo to regions surrounding Aβ plaques by iGluSnFR two-photon imaging. Nat Commun. 2016 Nov 11;7:13441. doi: 10.1038/ncomms13441.