En observant les mouvements oculaires des patients schizophréniques alors qu’ils jouaient à un jeu vidéo simple, une chercheuse de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a découvert une explication possible de certains de leurs symptômes, y compris leur difficulté à accomplir des tâches quotidiennes.
La recherche, publiée dans un numéro récent du Journal of Neuroscience, montre que, comparativement aux sujets sains, les patients atteints de schizophrénie avaient plus de difficulté à suivre des yeux un point se déplaçant sur l’écran d’ordinateur et à prédire sa trajectoire. Mais le ralentissement de leurs mouvements oculaires n’était pas suffisamment important pour expliquer la différence dans leur performance prédictive, ce qui suggère un déficit dans leur capacité à interpréter ce qu’ils ont vu.
L’auteur principal de l’étude, Miriam Spering, professeur adjoint d’ophtalmologie et des sciences visuelles, affirme que les patients ont de la difficulté à générer ou à utiliser une « copie d’efférence » – qui est un signal envoyé par le système des mouvements oculaires du cerveau qui indique la vitesse et la direction du mouvement des yeux. La copie d’efférence permet de valider l’information visuelle provenant de l’œil.
« Une diminution de la capacité de générer ou d’interpréter des copies d’efférence signifie que le cerveau ne peut pas corriger ou compléter une perception incomplète», dit Spering, qui a mené des expériences de suivi de point en tant que stadiaire postdoctorale à l’Université de New York, et qui mène maintenant des études similaires à l’UBC. Le cerveau pourrait remplir les blancs causés par une perception incomplète en extrapolant à partir d’expériences antérieures, contribuant ainsi à générer des symptômes psychotiques comme les hallucinations.
« Mais tout comme une personne pourrait, par la pratique, améliorer sa capacité à prédire la trajectoire d’un point mobile, une personne pourrait être en mesure d’améliorer sa capacité à générer ou utiliser cette copie d’efférence», dit Spering. «Ma vision serait le développement d’un appareil mobile que les patients pouraient utiliser pour exercer cette compétence, afin qu’ils puissent plus facilement effectuer des tâches courantes qui impliquent la perception du mouvement, comme une marche sur un trottoir bondé. »
CONTEXTE | Garder un œil sur la balle
Méthode d’étude
Pour l’étude d’UBC, des patients atteints de schizophrénie, ainsi qu’un groupe témoin non atteint, ont été invités à prévoir la trajectoire d’un petit point qui est apparu brièvement sur un écran alors qu’il se déplaçait vers une ligne verticale. Pendant qu’une caméra vidéo équipée d’infrarouge suivait le mouvement de leurs yeux, les participants devaient prédire si la balle frapperait la ligne ou non. Les patients atteints de schizophrénie obtenaient des résultats de prédiction significativement moins bons que ceux du groupe témoin, et ils ne suivaient pas aussi bien le point avec leurs yeux.
La schizophrénie est un trouble du cerveau qui touche environ un pour cent de la population, et qui amène souvent les gens à entendre des voix que les autres n’entendent pas ou à voir des choses que les autres ne voient pas. Les schizophrènes peuvent également parler de façon incohérente, ou alors passer des heures assis sans bouger ni parler. Ils ont souvent une mauvaise perception du mouvement et des mouvements oculaires déficients, ce qui peut les amener à se cogner sur des gens quand ils marchent et rendant la traverse d’une rue un défi. Ils ne peuvent souvent pas accomplir même des tâches simples comme la préparation d’une liste de courses ou la lecture d’une carte géographique.
Quel impact pour les malades de Parkinson? Le Dr Spering mène actuellement la même expérience sur des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, un trouble du mouvement causé par un manque de dopamine, une substance chimique du cerveau. En plus de tremblements et de raideurs musculaires, les malades de Parkinson ont une mauvaise perception visuelle et des mouvements oculaires moins dynamiques. Le Dr Spering essaie de voir si ces phénomènes sont interreliés; le cas échéant, des exercices de mouvements oculaires pourraient améliorer la vision chez les patients atteints de Parkinson.
La science pour aider le baseball: Spering travaille avec l’entraîneur-chef de UBC baseball Terry McKaig, qui a demandé son expertise en neuroscience visuelle pour améliorer les performances de son équipe au bâton. Elle va bientôt commencer à étudier les mouvements oculaires des joueurs pendant qu’ils frappent des balles dans une cage des frappeurs. « Coach McKaig est extrêmement intéressé par la science, et excité par la possibilité d’inclure un entrainement de la vision dans la routine quotidienne de l’équipe», dit Spering. «Nous utilisons une approche très scientifique pour tout d’abord comprendre les mécanismes qui pourraient conduire à des améliorations, pour ensuite utiliser ces connaissances pour améliorer les performances sur le terrain. »
Source du texte et de l’image: University of British Columbia
Traduction: CAN-ACN
Article de recherche original: Spering M, Dias EC, Sanchez JL, Schütz AC, Javitt DC. Efference Copy Failure during Smooth Pursuit Eye Movements in Schizophrenia. J Neurosci. 2013 Jul 17;33(29):11779-87. doi: 10.1523/JNEUROSCI.0578-13.2013. PubMed PMID: 23864667