Une étude publiée dans la revue Nature Neuroscience par Yves De Koninck et Robert Bonin, deux chercheurs de l’Université Laval, révèle qu’il est possible d’atténuer la sensibilité à la douleur par une méthode qui consiste à réveiller celle-ci pour ensuite l’effacer. Cette découverte pourrait mener au développement d’une nouvelle façon de soulager la douleur chronique.
Les chercheurs œuvrant à la Faculté de médecine de l’Université Laval et à l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) se sont inspirés de travaux sur la mémoire menés il y a une quinzaine d’années. Ceux-ci avaient révélé que lorsqu’un souvenir est activé, son encodage neurochimique est temporairement déverrouillé. Le recours à un produit empêchant la reconsolidation neurochimique du souvenir a pour effet de l’effacer de la mémoire.
Ils ont voulu savoir si un mécanisme similaire existait pour l’encodage neurochimique de la douleur. Pour ce faire, ils ont injecté de la capsaïcine, la molécule du piment fort qui provoque la sensation de brûlure, dans la patte de 24 souris. Cette intervention, qui ne cause aucun dommage physique, a enclenché un mécanisme d’hypersensibilité à la douleur qui s’accompagne d’une synthèse de protéines dans la moelle épinière. Après l’injection, la pression que les souris pouvaient tolérer sur leur patte n’était plus que le tiers de ce qu’elle était auparavant.
Trois heures plus tard, les chercheurs ont administré une deuxième dose de capsaïcine aux souris ainsi qu’un produit qui inhibe la synthèse protéique. L’hypersensibilité s’est alors rapidement estompée. En deux heures à peine, la pression tolérée sur la patte est remontée à 70 % de ce qu’elle était au départ.
Le chercheur Yves De Koninck souligne le fait que « lorsque l’inhibiteur protéique est administré sans injection de capsaïcine, l’hypersensibilité subsiste. La seconde injection de capsaïcine semble nécessaire pour rendre instable la sensibilité à la douleur et pour modifier sa consolidation neurochimique. Le défi consiste maintenant à trouver un inhibiteur protéique qui est non toxique et qui cause peu d’effets secondaires chez l’humain », conclut-il.
Yves De Koninck est professeur au Département de psychiatrie et neurosciences à l’Université Laval et directeur scientifique de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec. Quant à Robert Bonin, il est postdoctorant au laboratoire d’Yves De Koninck et travaille sur les mécanismes de développement de la douleur chronique. Leur recherche a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS).
Source du texte: Université Laval
Article de recherche original: Bonin RP, De Koninck Y. A spinal analog of memory reconsolidation enables reversal of hyperalgesia. Nat Neurosci. 2014 Jul 6. doi: 10.1038/nn.3758.