Brenda Milner, C.C., G.O.Q., D.Sc., Ph.D.
De Manchester à l’Institut neurologique de Montréal
Brenda Milner (née Langford) est né à Manchester, en Angleterre, le 15 Juillet 1918 de deux parents musicalement doués. Ne s’intéressant pas à une carrière musicale, elle choisit plutôt d’étudier les mathématiques à Newnham College, Cambridge en 1936. À mi-chemin durant ses études, elle changea de programme, pour choisir la psychologie expérimentale; elle obtint son baccalauréat en 1939. C’est à cette époque, sous la supervision d’Oliver Zangwill, que Milner développa un intérêt pour l’étude des effets des lésions cérébrales sur le comportement.
Dr Milner travailla à Cambridge, où – avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale – son travail de laboratoire visait à faire la sélection de membres de l’équipage pour les forces aériennes. Pendant la guerre, Milner quitta Cambridge – elle obtiendra sa maîtrise de l’école en 1949 – et travailla ensuite pour le ministère de l’Approvisionnement, en évaluation des contrôles radar. Ce fut là qu’elle rencontra Peter Milner. En 1944, Peter fût invité au Canada pour travailler sur un projet. Les deux se sont mariés et ont quitté l’Angleterre deux semaines plus tard, en direction de Montréal.
À Montréal, Milner commença à travailler comme instructrice à l’Institut de Psychologie de l’Université de Montréal. Quelques années après son arrivée au Canada, elle commença à participer aux séminaires de Robert MacLeod à l’Université McGill. Lorsque Donald Hebb retourna à McGill en 1947, Milner assista à son séminaire présentant son manuscrit «The Organization of Behavior». Ses discussions avec Hebb l’incitèrent à appliquer au doctorat à l’Université McGill, pour travailler sous la supervision de Hebb. Le Dr Hebb confia à Milner de recherches de thèse avec les patients de Wilder Penfield à l’Institut neurologique de Montréal. Milner obtint son doctorat en psychologie physiologique en 1952.
Le patient H.M. et la mémoire
En travaillant avec certains des patients de chirurgie de Penfield, Milner a découvert que les personnes ayant des lésions au lobe temporal se plaignaient souvent après l’opération de problèmes de mémoire verbale. Penfield et Milner ont présenté leurs conclusions sur deux patients qui avaient subi des lobectomies temporales gauches – chez qui on avait aussi enlevé des parties de l’hippocampe – et qui souffraient d’amnésie antérograde après la chirurgie. L’amnésie antérograde est une perte de la capacité à former de nouveaux souvenirs, tout en étant capable de se rappeler des souvenirs antérieurs, alors que l’amnésie rétrograde est l’incapacité de se rappeler des souvenirs qui ont été faites avant l’événement provoquant l’amnésie.
Après avoir présenté leurs conclusions, les deux chercheurs ont été contactés par William Scoville, un neurochirurgien de Hartford, au sujet d’un patient, désigné comme H.M. – et qui a été identifié comme Henry Molaison après sa mort en 2008. Scoville avait fait une résection bilatérale du lobe temporal médial bilatéral – coupant des parties du lobe temporal, incluant des parties de l’amygdale et de l’hippocampe, dans les deux hémisphères – afin de tenter d’atténuer les crises graves dont souffrait HM. Après la procédure, H.M. n’était plus en mesure de créer de nouveaux souvenirs, mais il pouvait se souvenir des choses de son passé, comme son enfance et les événements historiques.
Milner a été invitée à travailler avec H.M. pour étudier ses capacités intellectuelles et sa mémoire post-opératoires. Les deux se sont rencontrés pour la première fois en 1955, et Milner fera le voyage de Montréal jusqu’à Hartford plusieurs fois au cours des 30 prochaines années.
Milner a découvert que, bien que la mémoire de H.M. ait été sévèrement altérée, son intelligence n’avait pas été affectée. En fait, son QI avait légèrement augmenté, probablement grâce au fait qu’il ne souffrait plus de crises fréquentes. Les déficiences de mémoire graves de H.M. ont soulevé des questions importantes au sujet de l’importance du lobe temporal médian pour la formation de la mémoire.
Bien que H.M. ne pouvait se rappeler d’instructions après une seule exposition, Milner a décidé de tester s’il pouvait maîtriser une tâche grâce à une vaste répétition. Elle lui a donné une tâche consistant à faire un dessin dans un miroir, au cours de laquelle il devait tracer une étoile en ne regardant que dans un miroir l’image qu’il traçait. De manière surprenante, H.M. s’est amélioré après de nombreux essais espacés sur trois jours, en dépit du fait qu’il ne se souvenait pas d’avoir tenté la tâche précédemment. Cette découverte fut révolutionnaire, puisqu’elle montrait qu’il existait plus d’un type de mémoire et de système d’apprentissage. Milner a spéculé que d’autres habiletés motrices seraient également encodées en dehors du lobe temporal médial. Ce type d’apprentissage est maintenant connu sous le nom mémoire procédurale, et inclus des compétences telles que la natation, le vélo, ou le language, des habiletés, qui, une fois acquises, sont tout de même difficiles à expliquer.
Le travail de Milner a causé une énorme croissance de l’intérêt pour la mémoire humaine au cours des dernières 40 années.
Autres accomplissements
Milner a également fait des recherches sur le rôle du lobe frontal dans l’intelligence et la mémoire. Elle a constaté que les patients présentant des lésions du lobe frontal avaient de la difficulté à changer leur façon de résoudre une tâche, même quand celle-ci était inappropriée, malgré le fait que ces patients présentaient des scores normaux dans des tests d’intelligence typiques.
Elle a contribué à la compréhension de la latéralisation de la fonction – en particulier la parole – et à expliquer comment les deux hémisphères du cerveau interagissent ensemble.
Milner a poursuivi son travail sur les fonctions cognitives et la mémoire dans les lobes temporaux et frontaux du cerveau humain. Elle a enquêté sur le bilinguisme et les différentes voies qui sont utilisées pour acquérir des langues maternelles ou secondes. Elle a également utilisé la neuroimagerie pour identifier les régions du cerveau et les mécanismes impliqués dans le traitement du langage dans des sujets en bonne santé et chez des sujets atteints de lésions cérébrales.
Milner est présentement Professeur Dorothy J. Killam à l’Institut neurologique de Montréal. Elle mène toujours des recherches et continue d’enseigner en tant que professeur dans le département de neurologie et de neurochirurgie à l’Université McGill.
Prix et distinctions
1976: élue membre de la Société royale du Canada
1976: Foreign Associate of the National Academy of Sciences (USA)
1979: élue Fellow de la Royal Society (Londres)
1984: Officière de l’Ordre du Canada
1997 Intronisée au Temple de la renommée médicale canadienne
2004: promue Compagnon de l’Ordre du Canada
2004: National Academy of Sciences Award en Neurosciences
2005: Prix Gairdner
2005: nommée membre honoraire étranger du American Academy of Arts and Sciences
2009: Prix international Balzan
2014: Prix Kavli en neurosciences
2014: Prix Dan David
Lecture complémentaire
Milner, Brenda (1998). “Brenda Milner.” Chapter in The History of Neuroscience in Autobiography, Volume 2. Edited by Larry R. Squire. California: Academic Press. P. 276-305