Un diagnostic de glioblastome, la forme la plus commune et la plus agressive de tumeur cérébrale chez les adultes, demeure une condamnation à mort, en raison de sa résistance à tous les traitements disponibles. La recherche dans ce domaine a progressé lentement jusqu’à maintenant. Aujourd’hui, grâce à de nouveaux résultats prometteurs, une équipe canadienne de scientifiques entraine la recherche sur le cancer du cerveau vers un nouveau domaine : celui de la médecine neurodégératives et de la signalisation neurochimique.
Une étude menée à The Hospital for Sick Children (SickKids) explore de nouveaux liens entre le glioblastome et la dopamine, un signal chimique du système de récompense du cerveau. Les chercheurs sur le cerveau savent depuis longtemps que le manque de dopamine, ou la signalisation déficiente du signal de la dopamine mène à l’état pathologique neurodégénératif grave connu sous le nom de maladie de Parkinson. Dans une nouvelle étude, l’équipe a identifié des produits chimiques qui bloquent la fonction de la dopamine dans les tumeurs de glioblastome dans le laboratoire, amenant les cellules souches des glioblastome (les cellules qui induisent la formation de tumeurs) à être soumises à un processus neurodégénératif rapide. Mais plutôt que de provoquer la maladie de Parkinson, ce processus a dégradé ou tué les cellules souches de glioblastome. Les résultats de cette étude sont publiés dans le journal scientifique Cancer Cell.
«Cette recherche ouvre une porte – elle mène à une nouvelle façon de penser au cancer du cerveau et à sa croissance, dit le chercheur principal de l’étude, le Dr Peter Dirks, neurochirurgien et chercheur à SickKids. «Ces cancers adoptent un grand nombre des mêmes voies et systèmes qui sont normalement utilisés pour permettre le fonctionnement normal du cerveau. Nos résultats suggèrent que nous devons vraiment penser à la chimie du cerveau, et aux façons de la modifier. Si nous réussissons à le faire, nous pourrions être en mesure d’amener les cellules tumorales à mourir dans un cadre clinique. »
Bâtissant sur des recherches antérieures, les scientifiques ont testé 680 neurochimiques sur les cellules souches de glioblastome cultivées en laboratoire (à partir de tissus donnés par les familles des patients), explorant un nombre de voies, et en particulier la voie de la dopamine. De nombreuses expériences ont montré que des médicaments qui ciblent un récepteur de dopamine, nommé DRD4, peuvent limiter la croissance – ou tuer – ces cellules.
Ils ont ensuite étudié le mécanisme par lequel les cellules mourraient, y compris le processus naturel de recyclage cellulaire. La recherche actuelle indique que les cellules souches doivent faire l’objet d’autophagie, qui est un recyclage constant de molécules «usagées» (aussi appelés déchets cellulaires) afin de maintenir la santé de la cellule. «Dans cette étude, nous montrons que les inhibiteurs de DRD4 nuisent à l’autophagie et causent un gonflement des cellules souches de glioblastome, qui croissent lentement et deviennent plus susceptibles de mourir», explique le co-auteur Dr John Brumell, scientifique principal à SickKids. «Cette étude pointe vers de nouvelles voies cellulaires qui contrôlent l’autophagie dans le contexte du développement du cancer et qui pourraient conduire à de nouveaux traitements contre le cancer.»
L’équipe de recherche prévoit poursuivre cette recherche en testant des médicaments pour voir s’ils peuvent reproduire ce mécanisme inhibiteur de dopamine dans les cellules souches de glioblastome. Ils vont tester des médicaments déjà approuvés et utilisés pour traiter des conditions comme la schizophrénie et la dépression, afin de voir s’ils pourraient être aussi utilisés contre le glioblastome. L’utilisation de médicaments existants permettrait de développer de nouveaux traitements, et surtout de les appliquer en condition clinique plus rapidement.
Dirks note que la littérature existante démontre une plus faible incidence de tumeurs cérébrales chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson que chez d’autres personnes du même âge qui ont des quantités suffisantes de dopamine. En conséquence, d’autres recherches sont en cours pour déterminer si une diminution de la quantité de dopamine pourrait être un suppresseur de cancer dans cette population de patients atteints de la maladie de Parkinson.
Historiquement, la recherche sur les fonctions du cerveau et celle sur le cancer du cerveau sont restées relativement distinctes, les neurobiologistes se concentrant sur les processus et conditions expliquant le fonctionnement du cerveau, alors que les oncologues étudiaient plutôt les relations avec les autres types de cancer. Le Dr Dirks suggère que cette étude pourrait permettre de bâtir des ponts entre ces deux disciplines, et de rapprocher la recherche neurobiologique et oncologique du cerveau.
Le glioblastome affecte environ 1 500 adultes et 150 enfants chaque année au Canada.
L’auteur principal de cet article est Sonam Dolma. Cette étude est une collaboration entre SickKids, l’Université de Toronto, le University Health Network , et l’Université de Montréal.
Cette étude a été financée par: Ontario Institute for Cancer Research, the Canadian Cancer Society Research Institute, Genome Canada, Canadian Institutes of Health Research, Jessica’s Footprint, Hopeful Minds, B.R.A.I.N.child et SickKids Foundation.
Source du texte et de l’image: SickKids Hospital
Traduction: CAN-ACN
Article de recherche original:
Dolma S, Selvadurai HJ, Lan X, Lee L, Kushida M, Voisin V, Whetstone H, So M, Aviv T, Park N, Zhu X, Xu C, Head R, Rowland KJ, Bernstein M, Clarke ID, Bader G, Harrington L, Brumell JH, Tyers M, Dirks PB. Inhibition of Dopamine Receptor D4 Impedes Autophagic Flux, Proliferation, and Survival of Glioblastoma Stem Cells. Cancer Cell. 2016 Jun 13;29(6):859-73. doi: 10.1016/j.ccell.2016.05.002.