Vers de nouveaux médicaments permettant de lutter contre le gain de poids et l’obésité
Les scientifiques obtiennent rarement des résultats probants sans refaire leurs essais à maintes et maintes reprises. Mais lorsque les scientifiques de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) ont vu leurs souris de laboratoire doubler de poids en l’espace d’un ou deux mois, ils ont tout de suite su qu’il se passait ‒ littéralement ‒ quelque chose de gros.
« Il y a une vingtaine d’années, nous avons franchi une étape importante dans notre compréhension de l’obésité lorsque des chercheurs ont découvert que l’appétit est régi par une molécule clé appelée « leptine ». C’est une hormone produite par les adipocytes (cellules adipeuses) qui circule dans le sang pour transmettre au cerveau des signaux lui indiquant que nous sommes repus et que nous pouvons arrêter de manger », explique Maia Kokoeva. Ph. D., professeure affiliée à l’Université McGill et membre au sein du Programme de recherche en thérapeutique expérimentale et en métabolisme de l’IR-CUSM. « Malgré la découverte subséquente de récepteurs de la leptine dans l’hypothalamus, une région du cerveau qui régit la consommation de nourriture et le poids corporel, on ne comprend pas encore très bien comment la leptine est détectée. »
C’est pourquoi, il y a quatre ans environ, la professeure Kokoeva et son équipe ont entrepris des travaux visant à déterminer quelles sont les cellules cérébrales intervenant dans le processus de détection de la leptine et le lien avec le gain de poids. Ils ont découvert que la clé de l’énigme se trouvait dans l’éminence médiane.
L’éminence médiane est une structure cérébrale située à la base de l’hypothalamus. On pourrait la comparer à un carrefour ou à un marché très achalandé où les hormones et les molécules se déplacent du cerveau vers la circulation sanguine et, inversement, de la circulation sanguine vers le cerveau afin d’assurer le bon fonctionnement de l’organisme.
Les chercheurs de McGill ont découvert qu’en l’absence d’un groupe particulier de cellules (les cellules NG2-glia) dans l’éminence médiane, les récepteurs leptiniques cérébraux ne reçoivent jamais les signaux de satiété de l’organisme.
« La plus grande partie du cerveau est comparable à une véritable forteresse, conçue pour protéger les délicates cellules nerveuses », affirme la professeure Kokoeva. « L’éminence médiane se trouve à l’extérieur de cette zone protégée et, par conséquent, peut constituer un milieu dangereux pour les cellules nerveuses détectrices de leptine. Nous croyons que les cellules NG2-glia servent de support et d’abri aux neurones porteurs de récepteurs leptiniques et leur permettent d’envoyer les signaux de satiété à l’organisme. »
Rôle crucial de l’éminence médiane dans le gain de poids
« Nous nous sommes intéressés aux cellules NG2-glia dans cette région précise du cerveau, car, contrairement aux neurones, elles continuent de se diviser pendant l’essentiel de la vie adulte et leur activité est particulièrement marquée dans l’éminence médiane », précise Tina Djogo, doctorante à McGill et coauteure principale de l’étude publiée cette semaine dans Cell Metabolism. « Même si les scientifiques avaient décrit ces cellules pour la première fois il y a une trentaine d’années, ils n’avaient jamais réussi à déterminer précisément leur rôle dans le cerveau adulte. »
Alors, intrigués par le taux de renouvellement élevé des cellules NG2-glia dans l’éminence médiane, les scientifiques ont cherché à savoir si elles intervenaient dans la détection de la leptine et, par conséquent, dans le contrôle de l’appétit. Ils ont donc eu recours à un médicament capable de détruire les cellules NG2-glia dans l’éminence médiane de certaines souris, puis ont observé ces dernières afin de déceler d’éventuels changements au niveau de leur consommation de nourriture. Les résultats les ont stupéfiés.
En l’espace de trois jours après avoir reçu le médicament pour la première fois, certaines souris ‒ les « preneuses de poids » ‒ avaient déjà commencé à manger davantage que les souris du groupe témoin qui n’avaient reçu aucun médicament. Trente jours plus tard, le poids de certaines souris avait doublé, passant de 25 grammes à 50 grammes environ.
« Nous avons été particulièrement étonnés de découvrir qu’en dépit du fait que les cellules NG2-glia soient présentes dans toutes les régions du cerveau, ce n’est que lorsque nous avons détruit celles qui se trouvaient dans l’éminence médiane que nous avons pu observer cet important gain de poids”, explique Sarah Robins, associée de recherche et coauteure principale de l’étude.
Explication possible du gain de poids chez les patients traités pour une tumeur cérébrale
Les chercheurs ont ensuite étayé le rôle des cellules NG2-glia de l’éminence médiane dans le contrôle de l’appétit au moyen d’essais réalisés sur des souris génétiquement modifiées ainsi qu’en ayant recours à l’irradiation. Ce qu’ils ont découvert pourrait expliquer un phénomène observé chez les patients traités pour une tumeur cérébrale et qui n’avait encore jamais été élucidé.
« Les personnes soumises à la radiothérapie pour le traitement d’une tumeur cérébrale dans le but de freiner la dissémination des cellules cancéreuses gagnent souvent beaucoup de poids », explique Maia Kokoeva. « Aucune explication satisfaisante de ce phénomène n’avait encore pu être trouvée, mais nos travaux sur les souris permettent maintenant de croire que ce gain de poids pourrait être attribuable à l’absence de cellules NG2-glia dans l’éminence médiane à la suite de la radiothérapie. »
Les chercheurs ont bon espoir que leurs travaux ayant permis de comprendre l’importance cruciale des cellules NG2-glia de l’éminence médiane dans le contrôle du poids et de l’appétit permettront de mettre au point des approches ciblées visant à lutter contre l’obésité et reposant sur le maintien ou l’augmentation du nombre de cellules NG2-glia dans l’éminence médiane.
Des chercheurs ont identifié des cellules cérébrales d’une importance capitale pour le contrôle du poids et de l’appétit : les cellules NG2-glia.
Ces cellules sont présentes dans plusieurs régions du cerveau, mais celles que l’on trouve dans l’éminence médiane sont essentielles pour le contrôle du poids.
Cette découverte pourrait mener à la mise au point de médicaments permettant de lutter contre le gain de poids et l’obésité.
Cette étude a été financée par des subventions de fonctionnement des Instituts de recherche en santé du Canada ainsi que par la Fondation allemande pour la recherche, le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche d’Allemagne, l’Excellence Initiative ‒ SyNergy, et la Fondation Friedrich-Baur.
Source du texte: McGill CUSM
Article de recherche original:
Djogo T, Robins SC, Schneider S, Kryzskaya D, Liu X, Mingay A, Gillon CJ, Kim JH, Storch KF, Boehm U, Bourque CW, Stroh T, Dimou L, Kokoeva MV. Adult NG2-Glia Are Required for Median Eminence-Mediated Leptin Sensing and Body Weight Control.
Cell Metab. 2016 May 10;23(5):797-810. doi: 10.1016/j.cmet.2016.04.013.