Un événement commun se produit dans maintes pathologies du système nerveux : des cellules microgliales, qui sont des sentinelles chargées de surveiller, se muent en combattantes. Cellules immunitaires du système nerveux, les microglies ingèrent et détruisent des agents pathogènes et des cellules nerveuses lésées. Bien que ce processus soit crucial dans l’organisme, on savait jusqu’à présent très peu au sujet des mécanismes moléculaires d’activation des microglies. Or, une nouvelle recherche menée à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal – le Neuro – de l’Université McGill apporte les premières preuves que des mécanismes régulés par le gène Runx1 contrôlent l’équilibre entre l’état de surveillance et l’état de combat des microglies. La découverte, rapportée dans Journal of Neuroscience, a des incidences considérables pour la compréhension et le traitement de troubles neurologiques.
Dans leur état de sentinelles, les cellules microgliales attendent qu’il se produise quelque chose de grave dans le système nerveux. Les microglies ont un petit corps cellulaire et des prolongements grâce auxquels elles surveillent leur voisinage. Dès qu’il y a apparence de lésion ou de maladie, les microglies deviennent des combattantes. Leurs prolongements se contractent et elles se transforment en un organisme large rond afin d’attaquer et d’ingérer des agents pathogènes : bactéries, virus, et cellules nerveuses malades ou lésées (par exemple dans un traumatisme crânien). Cependant, si l’activation des microglies n’est pas contrôlée de façon précise, elles peuvent être néfastes pour l’organisme et commencer à attaquer des cellules saines. Ainsi, après une crise épileptique, le cerveau répond en reconstituant de nouvelles cellules nerveuses. Les microglies contribuent à ce processus de régénération, mais si leur activation dure trop longtemps, elles peuvent nuire à la survie des toutes nouvelles cellules nerveuses. L’équipe de recherche du Neuro s’est donc posé d’importantes questions : Comment élucider le contrôle du processus d’activation de la transition des microglies du mode de surveillance à celui de combat? Que faire pour que les effets bénéfiques de l’activation des microglies prédominent sur les effets potentiellement nocifs?
En fait, le processus d’activation des microglies dans le cerveau adulte reprend presque en sens inverse des mécanismes qui se produisent durant le développement du système nerveux. Dans le cerveau en développement, les microglies ont déjà une forme initiale de combattantes et peuvent éliminer des débris cellulaires et des connexions neuronales superflues. L’élagage du réseau de cellules nerveuses est un processus normal durant le développement. Peu après la naissance, les microglies se transforment progressivement de combattantes en sentinelles de surveillance, un état qu’elles conservent jusqu’à l’apparition d’une lésion ou d’un trauma dans le cerveau adulte, ce qui les pousse à se retransformer de sentinelles en combattantes. « Notre approche a été d’étudier le processus normal de désactivation des microglies durant le développement du cerveau, en prenant comme prémisse que comprendre ce processus pourrait nous aider à comprendre l’activation des microglies dans le cerveau adulte en réponse à une lésion ou une maladie », indique le Pr Stefano Stifani, chercheur principal et neuroscientifique au Neuro.
« Notre étude démontre le rôle jusque-là méconnu d’un gène particulier, le Runx1, dans la transition des microglies d’une forme initiale de combattantes en sentinelles de surveillance dans le cerveau postnatal de souris. Nous montrons que le Runx1 est exprimé dans ces microglies initialement combattantes durant les deux premières semaines après la naissance et que si la fonction de Runx1 dans ces cellules est inhibée, elles ont tendance à persister plus longtemps, ce qui retarde leur transition en microglies de surveillance. Nous avons aussi étudié un modèle animal expérimental dans lequel une lésion artificielle provoque la métamorphose de microglies sentinelles en combattantes. Il en est ressorti que l’expression de Runx1 est déclenchée dans les microglies lorsqu’elles sont activées à la suite d’une lésion dans le système nerveux d’une souris adulte, ce qui semble indiquer que le Runx1 pourrait jouer un rôle important pour ce qui est de contrôler la durée de l’activation de microglies combattantes dans le système nerveux adulte, tout comme il le fait dans le cerveau en développement. »
Les conclusions de cette recherche améliorent notre compréhension de la biologie des microglies dans le cerveau adulte en développement et le cerveau lésé. Qui plus est, elles pourraient avoir des implications thérapeutiques pour plusieurs affections neurologiques – de nouvelles recherches pouvant mener au développement de stratégies de traitement par le ciblage pharmacologique de modulateurs clés de l’activation de microglies.
Source du texte et del’ image: Institut Neurologique de Montréal, Le Neuro
Article de recherche original: Journal of Neuroscience