Publiée aujourd’hui dans la revue scientifique Proceedings de la National Academy of Sciences, l’étude révèle que le traitement de la dépression maternelle avec des inhibiteurs de recapture de la sérotonine (IRS) peut accélérer la capacité des bébés à se sensibiliser aux sons et impressions de leur langue maternelle, alors la dépression maternelle non traitée peut prolonger la période de sensibilisation.
«Cette étude est parmi les premières à montrer que la dépression maternelle et son traitement peuvent modifier le calendrier de développement du langage chez les bébés», explique le professeur Janet Werker du Département de psychologie de l’UBC, auteure principale de l’étude. « A ce stade, nous ne savons pas si l’accélération ou le retard de ces étapes dans le développement a des conséquences durables sur l’acquisition du langage par la suite, ou si des voies de développement alternatives existent. Notre objectif est d’explorer ces questions, ainsi que d’autres, dans les études futures. »
L’étude a suivi trois groupes de mères – un groupe traité pour dépression avec des IRS, un groupe de mères dépressives non traitées, ainsi qu’un groupe témoin de mères n’ayant aucun symptôme de dépression. En mesurant les variations de la fréquence cardiaque et du mouvement des yeux en réponse aux sons et images de vidéos en langue maternelle ou étrangère, les chercheurs ont calculé le développement du langage des bébés à trois intervalles, incluant à des âges de six et dix mois. Les chercheurs ont également étudié les variations de fréquences cardiaques des bébés à naître en réponse au langage avant la naissance, à 36 semaines dans l’utérus.
« Les résultats mettent en évidence l’importance des facteurs environnementaux sur le développement du nourrisson et nous mettent en meilleure position pour soutenir non seulement le développement optimal du langage chez les enfants, mais aussi bien-être maternel», explique Werker, qui ajoute que le traitement de la dépression maternelle est cruciale. « Nous espérons également explorer d’autres classes d’antidépresseurs pour déterminer si elles ont des effets similaires ou différents sur le développement pendant la petite enfance. »
Contexte
«Ces résultats nous rappelent à nouveau qu’une mauvaise santé mentale au cours de la grossesse est un problème majeur de santé publique pour les mères et leurs enfants, » dit le co-auteur, le Dr Tim Oberlander, professeur de pédiatrie du développement à l’UBC et au CFRI. «L’absence de traitement n’est jamais une option. Alors que certains enfants pourraient être à risque, d’autres peuvent bénéficier d’un traitement de la mère avec un antidépresseur pendant leur grossesse. A ce stade, nous ne savons pas vraiment pourquoi tous les enfants ne sont pas influencés de la même manière. Il est vraiment important que les femmes enceintes discutent de toutes les options de traitement avec leur médecin ou sage-femme. »
Des recherches antérieures par Werker ont montré que pendant les premiers mois de la vie, les bébés se mettent rapidement au diapason de leur langue maternelle, par les sons qu’ils entendent et les images qu’ils voient, soit les mouvements du visage qui accompagnent la parole. Après cette période fondatrice de la reconnaissance de la langue, les bébés commencent à se concentrer sur l’acquisition de leur langue maternelle et à ignorer effectivement les autres langues.
L’étude suggère que cette période clé du développement – qui se termine généralement entre les âges de huit et neuf mois – peut être accélérée ou retardée, dans certains cas, de plusieurs mois. Dans une autre étude récente, Werker a constaté que cette période de développement dure plus longtemps pour les bébés dans les foyers bilingues que chez les bébés monolingues, en particulier pour les aspects de la reconnaissance faciale de la parole.
Cette étude sur la dépression maternelle et l’acquisition du langage a été co-écrite par la stagiaire post-doctorale de UBC Whitney Weikum à CFRI, Tim Oberlander de CFRI, du Département de pédiatrie de l’UBC et de l’Hôpital pour enfants de la C.-B., et par Takao Hensch, professeur de neurologie à l’Université de Harvard.
Le programme de recherche a été financé par le Human Frontiers Research Program (HFSP), par l’Institut Canadien de Recherche Avancée (ICRA), par la Fondation Michael Smith, et par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et par le Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).
Source du texte et de l’ image: University of British Columbia
Traduction: J Poupart, CAN-ACN
Lien vers l’article scientifique original dans PNAS