Laurence Dion-Albert | Centre de recherche CERVO, Université Laval
Publication scientifique:
Dion-Albert, L., Cadoret, A., Doney, E. Neutzling Kaufmann, F., Dudek, KA., Daigle, B., Parise, LF., Cathomas, F., Samba, N., Hudson, N., Lebel, M., Signature Consortium., Campbell, M., Turecki, G., Mechawar, N., Menard, C. Vascular and blood-brain barrier-related changes underlie stress responses and resilience in female mice and depression in human tissue. Nat Commun 13, 164 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-021-27604-x
L’identification des différences entre les sexes dans la réponse au stress et dans le trouble dépressif majeur pourrait ouvrir la voie à un meilleur diagnostic et à un meilleur traitement de la dépression.
Le trouble dépressif majeur (TDM) est plus fréquent chez les femmes que chez les hommes, et des différences entre les sexes ont été signalées quant aux symptômes et à la réponse au traitement. Le fait que les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires ou d’accidents vasculaires cérébraux soient plus sujettes à la dépression suggère qu’un dysfonctionnement vasculaire pourrait également être en cause. De nouvelles recherches menées par Laurence Dion-Albert, étudiante au doctorat à l’Université Laval, montrent pour la première fois des altérations de l’intégrité de la barrière cérébrale chez les animaux femelles et les femmes souffrant de dépression qui sont différentes de celles observées chez les mâles et les hommes. Ils ont également identifié des biomarqueurs potentiels de la dépression qui pourraient aider à mieux diagnostiquer et informer les stratégies de traitement des troubles dépressifs.
L’exposition au stress chronique induit des changements dans l’intégrité vasculaire du cerveau et des fuites de la barrière hémato-encéphalique (BHE) par la régulation à la baisse d’une protéine appelée Claudin-5 dans le noyau accumbens des souris mâles, une région du cerveau essentielle pour les réponses émotionnelles. Au cours de sa maitrise, Laurence Dion-Albert a cherché à savoir si des modifications de l’intégrité de la BHE spécifiques au sexe pouvaient être à l’origine des différences entre les sexes dans le trouble dépressif majeur. Elle a découvert que les souris femelles exposées à un stress chronique présentaient des changements majeurs dans l’expression des gènes liés à la BHE et une perte de Claudin-5 dans une région cérébrale différente, le cortex préfrontal (CPF), centre de l’anxiété et de la perception de soi. Il est important de noter que le fait de neutraliser (en utilisant un virus) Claudin-5 dans le PFC féminin a récapitulé l’isolement social ainsi que les comportements de type anxieux et dépressif sans exposition préalable au stress, soulignant le rôle causal de Claudin-5 dans l’établissement de comportements préjudiciables d’adaptation au stress. Ces résultats ont été confirmés dans des échantillons de cerveau post-mortem de personnes déprimées des deux sexes, ce qui ajoute une valeur translationnelle essentielle aux résultats obtenus chez l’animal. Enfin, Laurence Dion-Albert a étudié plusieurs marqueurs de dysfonctionnement vasculaire dans des échantillons de sang d’animaux stressés et de personnes souffrant de dépression majeure. Elle a montré que la sE-sélectine, un indicateur de l’inflammation vasculaire, est plus élevée chez les femelles stressées et les femmes souffrant de TDM, et qu’elle pourrait servir de biomarqueur pour faciliter le diagnostic.
Ces résultats, qui démontrent pour la première fois des altérations neurovasculaires spécifiques au sexe liées à la dépression, pourraient expliquer la symptomatologie spécifique au sexe et ouvrir la voie au développement de nouveaux traitements plus efficaces. 30 à 50 % des personnes souffrant de dépression majeure ne répondent pas aux antidépresseurs traditionnels centrés sur les neurones, et une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans les réponses au stress et les troubles de l’humeur est essentielle pour réaliser une percée dans leur cas. En outre, aucun biomarqueur fiable n’a été trouvé pour la dépression majeure, qui est toujours diagnostiquée à l’aide de questionnaires. Bien qu’elle doive être évaluée dans des cohortes plus importantes, cette étude est la première à proposer la sE-sélectine comme marqueur sanguin de la dépression majeure.
Suite à ces résultats, Laurence Dion-Albert espère décrypter davantage les mécanismes sous-jacents à la pathogenèse de la MDD afin de produire des changements tangibles pour les hommes et les femmes atteints de trouble dépressif majeur à travers le monde.
À propos de Laurence Dion-Albert
Laurence Dion-Albert est doctorante en neurosciences au Centre de recherche sur le cerveau CERVO, affilié à l’Université Laval. Elle s’est jointe au laboratoire de la Dre Caroline Ménard pour une maîtrise en 2019, ce qui a rapidement confirmé son intérêt pour la science fondamentale et la recherche en santé mentale, mais surtout pour le manque remarquable d’inclusion du sexe comme variable biologique à tous les niveaux de la recherche, y compris en psychiatrie. Dans cette étude, Laurence a développé le plan expérimental avec son superviseur, le Dr. Caroline Menard. Elle a organisé, optimisé et réalisé toutes les expériences incluses dans l’article. Elle a également supervisé des collègues qui l’ont aidée pour les opérations chirurgicales et l’analyse du comportement et a participé à la rédaction du manuscrit et à la préparation des figures. Au-delà de sa contribution directe à l’étude, Laurence Dion-Albert a participé activement au partage de ces résultats avec d’autres scientifiques et le public par le biais de multiples présentations aux niveaux national et international.
Source de financement
Instituts de recherce en santé du Canada
En savoir plus sur cette histoire
Cette découverte a été sélectionnée comme l’une des 10 découvertes de l’année 2022 par le magazine Québec Science :
https://lactualite.com/sante-et-science/depression-une-nouvelle-piste-pour-mieux-traiter-les-femmes/