Andrea Luppi, prix Cerveau en tête 2024

Andrea Luppi, McGill University

Publication scientifique primée

Andrea I. Luppi, S. Parker Singleton, Justine Y. Hansen, Keith W. Jamison, Danilo Bzdok, Amy Kuceyeski, Richard F. Betzel & Bratislav Misic. Contributions of network structure, chemoarchitecture and diagnostic categories to transitions between cognitive topographies. Nature Biomedical Engineering 8, 1142–1161 (2024).

https://doi.org/10.1038/s41551-024-01242-2

Comprendre comment l’architecture du réseau du cerveau façonne sa capacité à passer d’un état à l’autre

Pour soutenir la diversité des fonctions cognitives humaines, telles que l’apprentissage, la pensée, le raisonnement, la mémoire, la résolution de problèmes, la prise de décision et l’attention, les régions du cerveau forment et dissolvent des connexions de manière flexible, à la volée. Comment la capacité du cerveau à passer d’une configuration fonctionnelle à une autre est-elle façonnée par l’architecture du réseau cérébral ? Andrea Luppi, qui travaille dans le laboratoire de Bratislav Misic à l’Université McGill et à l’Institut neurologique de Montréal, a étudié cette question en utilisant les principes d’ingénierie du contrôle des réseaux pour simuler les transitions entre des états cérébraux dérivés du comportement. Ils ont identifié plus de 100 états cérébraux pertinents d’un point de vue cognitif d’une manière guidée par les données, correspondant à des modèles d’activation agrégés sur 14 000 études IRMf à partir d’une grande base de données collaborative appelée NeuroSynth. Les chercheurs ont ainsi effectivement cartographié comment l’organisation du réseau cérébral et la chimioarchitecture interagissent pour manifester ces états cérébraux. En exploitant des bases de données à grande échelle sur la structure des réseaux, l’activation fonctionnelle et les systèmes de neurotransmetteurs, le présent travail fournit un cadre d’intégration pour l’exploration systématique de l’ensemble des transitions possibles entre des états cérébraux définis expérimentalement. Cette approche systématique a permis aux chercheurs de découvrir le rôle clé du schéma de câblage du cerveau dans la prise en charge de transitions flexibles avec une grande efficacité énergétique, et la manière dont cette efficacité peut être perturbée par la maladie et rétablie par une pharmacologie ciblée.

Plus précisément, Luppi et ses collègues ont découvert que l’architecture du connectome humain permet des transitions entre les états du cerveau à un coût énergétique inférieur à celui de milliers de schémas de câblage alternatifs. Ils ont ensuite modélisé systématiquement la manière dont les transitions pouvaient être influencées par des changements dans l’architecture cérébrale associés à 11 troubles neurologiques, psychiatriques et neurodéveloppementaux chez 17 000 patients de la base de données ENIGMA (une grande base de données collaborative d’imagerie cérébrale). Ils ont trouvé des relations systématiques entre les anomalies cérébrales et les transitions vers des états cérébraux favorisant la mémoire et le langage, établissant ainsi un lien mécanique entre les changements anatomiques et les symptômes cognitifs.
Enfin, ils ont exploité la plus grande base de données disponible sur l’expression des récepteurs de neurotransmetteurs dans le cerveau humain in vivo (18 cartes de récepteurs et de transporteurs provenant de plus de 1 200 examens par PET scan) pour prédire les effets des interventions pharmacologiques. Les transporteurs et les récepteurs de la dopamine, un neurotransmetteur clé, se sont révélés bien placés pour faciliter de nombreuses transitions cérébrales souhaitées – ce qui correspond à leur engagement par des médicaments utilisés pour traiter le déficit d’attention. Ce modèle a également mis en évidence d’autres récepteurs comme étant des cibles appropriées pour atteindre des états cérébraux spécifiques.

Les prédictions générées par ce modèle ont de nombreuses applications cliniques et non cliniques potentielles. Ce modèle n’est pas simplement descriptif, mais mécaniste : il fournit des prédictions explicites et testables sur les transitions cognitives qui devraient être plus faciles ou plus difficiles. Dans cette étude, les chercheurs ont réussi à prédire la difficulté des participants à passer d’une tâche à l’autre dans le scanner, ce qui donne de la crédibilité au modèle proposé. Ils ont rendu leur modèle de calcul entièrement disponible en ligne, ce qui permet à d’autres chercheurs de le personnaliser avec des cartes cérébrales représentant d’autres états cognitifs d’intérêt, ou des réseaux cérébraux de patients individuels.

À propos d’Andrea Luppi

Originaire d’Italie, le Dr Andrea Luppi a réalisé ce travail en tant que chercheur post-doctoral à l’Institut neurologique de Montréal de l’Université McGill. Son rôle de premier plan dans ce travail se reflète dans sa position de premier auteur et d’auteur correspondant. Il a participé à tous les aspects de l’étude, de la conception à l’exécution. Andrea est actuellement Wellcome Trust Research Fellow à l’Université d’Oxford et Research Fellow du St John’s College, Cambridge.

Source de financement

Le Dr Luppi a bénéficié de la bourse Molson en neuro-ingénierie de l’Institut neurologique de Montréal et du programme des pôles stratégiques du FRQNT (2020-RS4-265502-Centre UNIQUE-Union Neuroscience et Intelligence Artificielle-Québec) via la bourse d’excellence UNIQUE Neuro-AI.